La guerre que mènent les États-Unis et l’OTAN contre la Russie au sujet de l’Ukraine entre dans une nouvelle phase cette semaine, des reportages faisant état d’une augmentation significative des combats le long d’un large front lundi et d’énormes pertes.
Le ministère russe de la Défense a indiqué sur sa chaîne officielle Telegram que les forces russes avaient contré une offensive ukrainienne sur l’avant-poste de Vremevka au sud de Donetsk, actuellement contrôlé par la Russie. Il a indiqué que plus de 1.500 soldats ukrainiens avaient été tués et que la Russie avait saisi 28 chars, dont huit chars Leopard de fabrication allemande.
La Russie a également fait état d’une offensive des troupes ukrainiennes vers le sud, contre le territoire situé le long de la côte de la mer d’Azov qui relie la Crimée et le Donbass, tous deux détenus par la Russie ou des forces prorusses depuis 2014. Un responsable nommé par la Russie dans la ville de Zaporizhzhia a déclaré que les combats dans le sud impliquaient un pilonnage important et des frappes de l’Ukraine à l’aide de missiles britanniques-français Storm Shadow.
Il est évident que les opérations de lundi marquent le début de la «contre-offensive d’été» tant attendue. Bien que les informations soient pour l’instant limitées, une chose est certaine: les combats entraîneront une augmentation considérable du nombre de morts, tant ukrainiens que russes.
Dans une interview accordée dimanche au Wall Street Journal, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a reconnu qu’«un grand nombre de soldats vont mourir», mais que «nous allons le faire». Selon des estimations fiables, le nombre de morts ukrainiens dans la guerre s’élève à ce jour à 300.000.
Tous les aspects de la guerre, y compris la «contre-offensive», sont dirigés par le gouvernement Biden, le Pentagone et l’OTAN. Elle est menée par des forces entraînées par l’OTAN et armées avec des armes de l’OTAN, y compris des obus à l’uranium appauvri fournis par le Royaume-Uni. Sur le plan opérationnel, elle est organisée depuis Washington et le Pentagone. L’OTAN et le gouvernement Zelensky exploitent les masses ukrainiennes comme chair à canon. Parmi les premières divisions lancées dans la bataille, beaucoup sont des soldats nouvellement conscrits qui n’ont pas d’entraînement ou très peu.
Les États-Unis et les puissances de l’OTAN sont déterminés à infliger une défaite à la Russie et rêvent d’un défilé militaire des troupes de l’OTAN dans les rues de Moscou. Le Financial Times a écrit lundi qu’«un changement de ton notable a eu lieu parmi les hauts fonctionnaires occidentaux, qui semblent de plus en plus sceptiques quant aux capacités militaires de la Russie. La semaine dernière, Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, a clairement plaidé en faveur d’une victoire ukrainienne totale basée sur l’“intégrité territoriale” [c’est-à-dire, la reprise de tous les territoires actuellement contrôlés par la Russie] dans un discours qui a également dénigré l’armée russe, disant qu’elle était “la deuxième plus forte en Ukraine”.»
Le FT a également cité les commentaires de Ben Wallace, le secrétaire britannique à la Défense, selon lesquels l’Ukraine pourrait reprendre la Crimée dans le cadre de l’offensive. «Ce que nous avons vu sur le champ de bataille, c’est que si vous frappez les forces russes au bon endroit, elles s’effondreront».
De telles déclarations combinent la propagande et l’auto-illusion. L’armée ukrainienne a été saignée à blanc au cours des 15 derniers mois. Elle dépend entièrement des États-Unis et de l’OTAN, non seulement pour la formation et l’armement, mais aussi, de plus en plus, pour les hommes nécessaires à l’escalade de la guerre.
Les opérations en Ukraine ne sont qu’une partie d’une guerre à peine déguisée et non déclarée entre l’OTAN et la Russie, dont l’intensité et la portée géographique ne cessent de croître.
Les développements sur le terrain en Ukraine ont été programmés pour coïncider avec une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN à Oslo, en Norvège, à la fin de la semaine dernière. Cette réunion avait pour but de préparer un sommet de guerre de l’OTAN le mois prochain à Vilnius, en Lituanie, à quelques kilomètres de la frontière russe. Derrière des portes closes, les dirigeants des puissances de l’OTAN discutent et mettent en œuvre la prochaine étape de l’escalade.
Déjà, l’Ukraine, agissant sous la direction des États-Unis, a lancé des frappes de drones contre Moscou, a commencé à bombarder des villes russes et a organisé des incursions en territoire russe, utilisant des véhicules et des équipements fournis par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN. La Pologne s’est directement impliquée dans le conflit, des membres du «corps des volontaires polonais», composé de citoyens polonais, participant à des raids transfrontaliers de l’Ukraine en Russie.
Un article du Washington Post «Défendre “chaque centimètre” du territoire de l’OTAN? La nouvelle stratégie est en cours d’élaboration» (Defend ‘every inch’ of NATO territory? New strategy is a work in progress) publié lundi commence par une description de parachutistes français largués en Estonie, pays frontalier de la Russie et situé à seulement 150 km de Saint-Pétersbourg. Le Post note que les exercices de guerre français en Estonie font «partie d’une répétition accélérée de ce qu’il faudrait faire pour renforcer un groupement tactique [de l’OTAN]» dans le pays.
Dans ce qui ne peut être décrit que comme une mobilisation militaire massive, écrit le journal, «l’OTAN a renforcé son flanc oriental en partie en établissant des groupements tactiques dans quatre pays supplémentaires: la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie», avec 10.000 soldats répartis dans huit groupements tactiques. Des dizaines de navires et des centaines d’avions, ainsi qu’une défense aérienne au sol, ont été envoyés dans les pays situés à la frontière de la Russie, surtout dans les pays baltes de la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie.
Des jeux de guerre se déroulent actuellement dans toute l’Europe, notamment l’opération massive «Defender Europe 2023», qui a débuté le 22 avril et à laquelle participent 26.000 soldats des États-Unis et de leurs alliés. La dernière composante des opérations, «Saber Guardian 23», a débuté la semaine dernière et est centrée sur la mer Noire, au sud de l’Ukraine. Elle implique des soldats et des marins d’Albanie, de Bulgarie, de Belgique, de France, de Grèce, d’Allemagne, d’Italie, des Pays-Bas, de Roumanie, de Slovénie et des États-Unis.
Compte tenu des déclarations des principaux responsables des États-Unis et de l’OTAN qui se sont engagés à vaincre militairement la Russie, le gouvernement Poutine sera contraint d’interpréter toutes ces actions comme d’éventuels préparatifs d’incursions de l’OTAN sur le territoire russe. L’objectif de toutes ces opérations est de soutenir l’offensive ukrainienne en détournant l’attention des commandants militaires russes qui se concentre exclusivement sur le front ukrainien et de les obliger à détourner leurs forces vers d’autres régions frontalières.
Dans les capitales des puissances de l’OTAN, un climat d’hystérie téméraire prévaut. Au cours du week-end, le chancelier allemand Olaf Scholz, confronté à des manifestants lors d’un rassemblement de son parti social-démocrate à l’extérieur de Berlin, s’est lancé dans une diatribe hitlérienne contre la Russie et a qualifié Poutine de «meurtrier» et de «belliciste».
La Maison-Blanche a rejeté les appels à un cessez-le-feu ou à un règlement négocié du conflit qui n’inclurait pas une capitulation totale de la Russie. Encouragé par l’absence de réaction de la Russie à chaque escalade, le gouvernement Biden a conclu que toutes les «lignes rouges» pouvaient être franchies.
Lundi, dans un article sous le titre «Le gouvernement Biden fait peu de cas des attaques ukrainiennes en Russie» (Biden Administration Shrugs Off Ukraine’s Attacks in Russia), le New York Times a écrit que la Maison-Blanche a abandonné la prétention de décourager les attaques directes de l’Ukraine en Russie, à l’aide d’armes fournies par les États-Unis. «Derrière les portes closes», écrit le Times, «les hauts fonctionnaires de l’administration semblent encore moins inquiets. “Écoutez, c’est une guerre”, a déclaré jeudi dernier un haut fonctionnaire du Pentagone. “C’est ce qui se passe dans une guerre.”»
Montrant l’insouciance qui règne dans les milieux dirigeants, le Times a ajouté:
Les responsables américains affirment que si la menace d’une escalade nucléaire n’a pas disparu, les opérations transfrontalières de l’Ukraine ne sont pas le type d’action susceptible de provoquer l’utilisation d’un engin nucléaire. Les responsables du renseignement américain ont déclaré qu’ils pensaient que la Russie n’utiliserait un engin nucléaire tactique que si le pouvoir de Poutine était menacé, si son armée commençait à s’effondrer complètement en Ukraine ou si elle était confrontée à la perte de la Crimée, dont les forces russes se sont emparées en 2014.
Cependant, toutes les conditions énumérées – renverser ou tuer Poutine, imposer une défaite militaire massive à la Russie et reprendre la Crimée – font partie des objectifs de guerre des États-Unis et de l’OTAN dans le conflit. La position des planificateurs militaires américains est que rien, pas même la perspective d’une guerre nucléaire, ne peut «dissuader» les actions des États-Unis et de l’OTAN.
Quant au gouvernement Poutine, qui représente une faction de l’oligarchie russe, son «opération militaire spéciale» en Ukraine était fondée sur l’idée qu’une démonstration de force jetterait les bases d’un règlement négocié reconnaissant les intérêts de la Russie. Cette conception néostalinienne de la «coexistence pacifique» avec l’impérialisme, modifiée dans les nouvelles conditions de la restauration du capitalisme, a abouti à un désastre politique.
La classe ouvrière de Russie, d’Ukraine et d’Europe de l’Est fait face à toutes les conséquences de la dissolution stalinienne de l’URSS. Non seulement les Russes et les Ukrainiens mènent une guerre fratricide sur un territoire qui faisait autrefois partie de l’Union soviétique, mais le régime de Poutine est empêtré dans une guerre de plus en plus vaste pour laquelle il n’a pas de solution.
Face à l’escalade incessante de l’OTAN, Poutine est soumis à des pressions croissantes de la part de certains secteurs de l’armée pour qu’il réagisse de manière plus radicale. Mais même si la Russie réussit à vaincre la contre-offensive actuelle, le conflit ne prendra pas fin.
La guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie évolue rapidement vers une lutte prolongée, de plus en plus violente, sanglante et mondiale. Le conflit est entré dans le champ gravitationnel de la guerre totale, c’est-à-dire une guerre qui n’est pas épisodique, mais un état permanent de la société, auquel tout est subordonné. Son corollaire est l’escalade de l’assaut contre la classe ouvrière au pays, qui sera forcée de payer.
Il est normal que les reportages sur l’évolution du champ de bataille retiennent l’attention. Mais se concentrer exclusivement sur les opérations militaires de l’OTAN, de son mandataire ukrainien et du régime russe est une erreur. Le développement de la lutte des classes internationale, armée d’une stratégie socialiste révolutionnaire consciente, est d’une importance politique bien plus grande pour déterminer la direction de la guerre et le sort de l’humanité.
Le Comité international de la Quatrième Internationale et ses partis et groupes de l’égalité socialiste intensifieront leur campagne mondiale pour construire un mouvement antiguerre de masse de la classe ouvrière et de la jeunesse étudiante.
La classe ouvrière doit répondre à la «contre-offensive» en Ukraine par sa propre offensive internationale contre la guerre, en Russie, en Ukraine, en Europe, aux États-Unis et dans le monde entier. La crise capitaliste qui produit la guerre crée également la base objective d’un tel mouvement. Cette année, des grèves de masse et des manifestations de millions de travailleurs, alimentées par la flambée du coût de la vie et l’exploitation extrême ont éclaté.
Il est urgent de relier le mouvement de développement de la classe ouvrière à la lutte contre l’impérialisme, qui entraîne l’humanité vers l’apocalypse de la guerre nucléaire. Il est nécessaire de combiner l’opposition au militarisme et à la guerre avec l’opposition à l’inégalité, à l’exploitation et au système capitaliste qui est à l’origine de toutes les crises auxquelles l’humanité fait face.
Nous exhortons tous les lecteurs du World Socialist Web Site à participer activement à la construction de ce mouvement contre la guerre et pour le socialisme.
(Article paru d’abord en anglais 6 June 2023)