Les États-Unis vont quadrupler les droits de douane imposés aux véhicules électriques chinois

Le gouvernement Biden s'apprête à quadrupler les droits de douane sur les importations de véhicules électriques (VE) chinois, qui passeront de 25 % à 100 %, dans le cadre d'une escalade majeure de la guerre économique menée autour du développement des puces électroniques et des produits de technologie verte.

Le fabricant chinois de téléphones Xiaomi présente sa voiture électrique Xiaomi SU7 à Pékin, mardi 26 mars 2024. [AP Photo/Ng Han Guan]

Le projet de relèvement des droits de douane sur les véhicules électriques, au titre de la section 301 de la loi sur le commerce de 1974, a été rapporté par le Wall Street Journal, Bloomberg et le Financial Times (FT) ces derniers jours et pourrait être invoqué dès aujourd'hui.

Si les exportations chinoises de VE vers les États-Unis ne sont pas très importantes à ce stade – les producteurs chinois s'étant davantage concentrés sur le marché européen –, la hausse des droits de douane envisagée constitue une attaque préventive visant à bloquer l'accès au marché américain à l'avenir.

Wendy Cutler, ancienne responsable américaine du commerce, aujourd'hui vice-présidente de l'Asia Society Policy Institute, a expliqué au FT que le gouvernement Biden «essayait de prendre de l'avance et de s'assurer que l'industrie automobile américaine ne subisse pas le même sort que l'industrie solaire américaine, qui a été essentiellement décimée par des importations chinoises déloyales».

Cutler a déclaré que les producteurs chinois étaient prêts à avaler le coût des droits de douane existants pour «paralyser» leurs rivaux américains, mais que l'escalade des droits de douane rendrait la chose beaucoup plus difficile.

«Un quadruplement des droits de douane protégerait toutefois plus efficacement les constructeurs automobiles américains contre les véhicules chinois faisant l'objet d'un commerce déloyal avant qu'ils ne puissent s'implanter sur le marché américain», a-t-elle déclaré.

Les États-Unis affirment que ces pratiques «déloyales» résultent des subventions publiques accordées par Pékin aux fabricants chinois de produits de haute technologie. Cette accusation est totalement hypocrite étant donné les milliards de dollars accordés par l'État américain aux entreprises de haute technologie dans le cadre de la loi sur la réduction de l'inflation (Inflation Reduction Act) et de la loi sur les puces (Chips Act), soit sous la forme de subventions directes, soit par le biais d'allégements fiscaux lucratifs.

Le mois dernier encore, les autorités américaines ont annoncé un plan de subventions de 6,1 milliards de dollars en faveur de Micron Technology, le plus grand fabricant américain de puces électroniques, dans le cadre des 33 milliards de dollars accordés aux entreprises de haute technologie.

Si les entreprises chinoises reçoivent des subventions de l'État, dans le cadre des efforts déployés par le président Xi Jinping pour développer de «nouvelles forces productives», comme c'est indubitablement le cas, Pékin ne fait rien de différent de ce qui se fait aux États-Unis et dans d'autres grandes économies.

La principale raison de la position plus compétitive de la Chine, d'abord dans la production de panneaux solaires et maintenant dans les VE, n'est pas les subventions publiques, mais le développement d'une meilleure technologie et de méthodes de production plus efficaces.

David Fickling, chroniqueur à Bloomberg, se lamente sur l'industrie automobile américaine, autrefois leader mondial, en affirmant que les tarifs douaniers et la timidité la conduisent dans une impasse. Il a noté que Ford réduisait ses commandes auprès des fournisseurs de batteries et prévoyait de réduire de 12 milliards de dollars les dépenses consacrées aux véhicules électriques. Tesla a réduit ses effectifs de 10 % et a dissous une équipe de superchargeurs qui aurait fourni des points de ravitaillement.

Fickling a attribué ce déclin à un manque de «cran» et au fait que les constructeurs automobiles américains évoluaient dans un environnement qui leur permettait de devenir «gros et lourds à gérer».

Cependant, les raisons de la crise de l'industrie, à laquelle elle répondra par des attaques accrues contre la classe ouvrière afin d'extraire de plus grands niveaux de profit combinés à des mesures tarifaires, ne sont pas dues à un manque d’ambition. Elles sont enracinées au cœur même du mode d'accumulation du profit américain, de plus en plus basé non pas sur la production mais sur le parasitisme financier, dont les effets sont visibles dans des industries qui étaient autrefois à la pointe du progrès.

Boeing, autrefois le plus grand producteur d'avions au monde, est devenu le symbole de l'absence de mesures de sécurité, entraînant des écrasements, résultat d'une politique de réduction des coûts visant à satisfaire les exigences de rentabilité. Deux anciens employés de la société qui donnaient des détails sur ses pratiques ont récemment été retrouvés morts dans des circonstances inexpliquées.

Boeing et les principaux constructeurs automobiles ont été fortement impliqués dans des opérations de rachat d'actions. Les bénéfices réalisés par les grandes entreprises sont de plus en plus utilisés pour répondre à la demande insatiable d'augmentation de la valeur des actions à Wall Street par les banques, les institutions financières et les fonds spéculatifs qui sont les propriétaires d'une grande partie de l'industrie américaine, depuis les entreprises manufacturières jusqu'aux hôpitaux et aux sociétés pharmaceutiques.

General Motors en est un bon exemple. En novembre dernier, elle a annoncé une opération record de rachat d'actions de 10 milliards de dollars. Aussi important que soit ce chiffre, il ne représente qu'une petite partie d'une tendance endémique.

L'économiste Willam O. Lazonick a calculé qu'entre 2012 et 2021, quelque 474 entreprises faisant partie de l'indice S&P 500 ont investi 5700 milliards de dollars dans des rachats d'actions, soit 55 % de leurs revenus. Elles ont également versé 4200 milliards de dollars de dividendes aux actionnaires, ce qui représente 41 % de leurs revenus.

L'imposition de droits de douane sur les VE, ainsi que sur d'autres importations de haute technologie, sera sans aucun doute présentée par le gouvernement Biden, soutenue par ses appuis dans la bureaucratie syndicale, en particulier le président de l'UAW Shawn Fain, comme un soutien au travailleur américain.

Il n'en est rien. Elle vise à protéger les résultats des constructeurs automobiles et de leurs propriétaires parasites dans la sphère du capital financier.

Mais les vautours de la finance dépendent en fin de compte de l'extraction de la plus-value du travail de la classe ouvrière. Cela signifie que les droits de douane s'accompagneront nécessairement de licenciements, couplés à l'intensification de l'exploitation puisque moins de travailleurs sont amenés à en faire plus, et que les salaires réels sont réduits.

En outre, cela entraînera de nouvelles mesures de guerre économique. L'Europe réagira à l'exclusion des fabricants chinois de véhicules électriques du marché américain en érigeant ses propres barrières tarifaires, craignant une nouvelle augmentation des exportations chinoises de véhicules électriques et d'autres produits de haute technologie.

Les plans pour y parvenir ont déjà été élaborés : un important rapport lancé par la Commission européenne en octobre dernier sur la manière de protéger ses marchés, sous la bannière de la défense de la sécurité économique et nationale, devrait être publié dans les prochaines semaines.

Les droits de douane pourraient être aussi élevés que ceux appliqués aux États-Unis, car les niveaux de 30 % qui ont fait l'objet de discussions sont considérés comme insuffisants pour bloquer les producteurs chinois.

L'économie mondiale ressemble de plus en plus à la maison de fous des années 1930, car, presque quotidiennement, les principales économies érigent des barrières tarifaires et des sanctions contre la libre circulation des biens et des technologies.

Le chaos économique de l'époque a été un facteur central dans la création des conditions de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, il contribue à créer les conditions d'une nouvelle guerre mondiale, qui pose la menace d’une guerre nucléaire.

En fin de compte, l’intensification des guerres tarifaires et technologiques sont l'expression d'une contradiction fondamentale du mode de production capitaliste, à savoir celle entre le développement des forces productives au sein d'une économie mondialisée et le système des États-nations.

Les travailleurs ne peuvent pas lier leur destin à l'une ou l'autre des classes capitalistes nationales en conflit. La voie à suivre est plutôt la lutte politique pour un programme socialiste dirigé contre tous les partis de l'establishment politique capitaliste et la bureaucratie syndicale : la seule réponse viable au chaos capitaliste de plus en plus dangereux.

(Article paru en anglais le 14 mai 2024)

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