Le Parti pour le socialisme et la libération (PSL): l'alliance du stalinisme et du radicalisme petit-bourgeois

Une manifestation en faveur du droit à l'avortement organisée par le Parti pour le socialisme et la libération devant la Cour suprême des États-Unis à Washington le mercredi 11 mai 2022. [AP Photo/ Amanda Andrade-Rhoades]

Le génocide israélien à Gaza, perpétré avec les armes et les encouragements de l'impérialisme américain, a suscité le plus grand mouvement anti-guerre mondial depuis les manifestations de 2003 contre la guerre en Irak. Après une longue période d’apparente dépolitisation des travailleurs et des jeunes, des millions de personnes ont été secouées et radicalisées en étant témoins d’un génocide en devenir au XXIe siècle.

Aux États-Unis, le Parti démocrate, en particulier, a été discrédité. Le gouvernement Biden a fourni les armes, les fonds et les renseignements nécessaires à ce génocide, tout en lançant la répression policière contre les manifestants sur les campus, en collaboration avec les républicains fascistes.

L’écrasante majorité de ceux qui ont participé aux manifestations aux États-Unis sont nés au XXIe siècle. Ils ont grandi en étant témoins des guerres interminables menées par l’impérialisme américain, de l’austérité sociale et, plus récemment, des morts en masse dus au COVID-19, résultat de la réponse meurtrière de la classe dirigeante à la pandémie.

Tout au long de cette période, la lutte des classes a été réprimée par les bureaucraties syndicales, et toute compréhension de l’histoire et de la société a été sapée par le climat de réaction dominant et la promotion de l’anti-marxisme. Dans ces conditions, il est inévitable que la phase initiale de radicalisation de masse soit liée à la soudaine montée en puissance d’organisations et de tendances jusqu’à récemment peu connues.

Parmi les plus visibles d’entre eux, il y a le Parti pour le socialisme et la libération (PSL), qui a co-organisé de nombreuses manifestations, et la coalition ANSWER qui lui est associée. La rhétorique du PSL fait appel aux sentiments anti-impérialistes et anticapitalistes et se présente comme nettement plus radical que les Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), qui fonctionnent comme une faction « de gauche» au sein du Parti démocrate. Dans sa campagne présidentielle de 2024, le PSL se présente également comme une alternative socialiste au Parti démocrate et comme le noyau d’un nouveau «parti de la classe ouvrière».

Mais comme toute organisation ou tendance politique, le PSL doit être jugé, non pas sur ce qu’il dit de lui-même, mais sur son histoire et son programme politique. C’est seulement sur cette base que le caractère de classe d’une organisation et les implications de sa politique peuvent être évalués. Ils nécessitent donc une analyse sérieuse.

Le bilan historique du PSL: la défense du stalinisme, fossoyeur de la révolution socialiste

Le PSL n’écrit ni ne dit rien de sa propre histoire. Sur son site Internet, on cherchera en vain un récit de ses racines historiques et une évaluation des expériences clés du XXe siècle. Il y a des raisons précises à ce silence.

Premièrement, comme toute tendance petite-bourgeoise, le PSL rejette une approche historique et de classe de la politique, c'est-à-dire une politique marxiste, et développe bien plutôt sa politique sur la base de considérations pragmatiques.

Deuxièmement, l’ensemble de son historique révèle le PSL comme une tendance anti-trotskyste farouchement hostile à la classe ouvrière et au marxisme.

Historiquement, le PSL est né d’une scission au sein du Workers World Party (Parti mondial des travailleurs). La scission entre les deux organisations n’a jamais été expliquée par aucune des deux organisations, et les publications du PSL citent encore aujourd’hui ce qu’elles appellent le «génie organisationnel» de Sam Marcy (1911-1998), et revendiquent sa politique comme leur héritage.

Sam Marcy s'est radicalisé dans l'entre-deux-guerres et a rejoint le mouvement communiste aux États-Unis dans les années 1930. Il fut attiré par le trotskysme et rejoignit le Socialist Workers Party, alors section américaine de la Quatrième Internationale, dans les années 1940.

Le mouvement trotskyste émergea en 1923-1924 dans une lutte pour défendre le programme de la révolution socialiste mondiale contre le programme nationaliste du stalinisme. Staline, exprimant les intérêts d'une bureaucratie privilégiée qui s'était consolidée au sein de l'État ouvrier à la suite de l'isolement international de l'URSS, formula le programme de construction du «socialisme dans un seul pays». Ce programme nationaliste devait constituer la base d’une réaction violente contre la révolution d’Octobre 1917, qui durera des décennies.

La politique des staliniens a conduit à des défaites dévastatrices de la classe ouvrière. En Chine, pendant la révolution de 1925-1927, ils ont subordonné le Parti communiste chinois à la bourgeoisie nationale, ce qui a entraîné un massacre de communistes. Cette ligne désastreuse a ensuite été reproduite au Moyen-Orient et dans d’autres régions, où le stalinisme a désarmé les masses opprimées dans leur lutte contre l’impérialisme. Dans les pays impérialistes avancés, les staliniens commencèrent à collaborer avec les factions «démocratiques» de la bourgeoisie dans les années 1930. Aux États-Unis, cela prit finalement la forme d’une soumission totale du PC au Parti démocrate.

En URSS, la bureaucratie développa un appareil violent pour réprimer la classe ouvrière. Dans son étude scientifique sur l'émergence du stalinisme, La Révolution trahie, Léon Trotsky a souligné que l'usurpation du pouvoir politique par la bureaucratie ne pourrait être brisée et la dégénérescence de l'État ouvrier inversée que par une révolution politique de la classe ouvrière, visant à renverser la bureaucratie, dans le cadre d'une lutte pour étendre la révolution à l’échelle internationale.

Léon Trotsky avec des membres de l'Opposition de gauche

Lors de la Grande Terreur des années 1930 (article en anglais) la bureaucratie stalinienne a assassiné des centaines de milliers d’ouvriers socialistes, d’intellectuels et de trotskystes en URSS et ailleurs, comme en Espagne pendant la guerre civile. Comme le dit Trotsky : « L'épuration actuelle trace entre le bolchevisme et le stalinisme, non pas un simple trait de sang, mais tout un fleuve de sang. » En 1940, Trotsky lui-même sera assassiné par un agent stalinien au Mexique.

Après avoir décapité politiquement la classe ouvrière, le stalinisme a joué, dans la période d’après-guerre, un rôle central dans le sabotage des mouvements révolutionnaires de la classe ouvrière en Europe et en Asie. Il assura ainsi la survie du système capitaliste mondial, profondément discrédité par la barbarie du fascisme et de la Seconde Guerre mondiale. Pour la Quatrième Internationale, fondée par Trotsky en 1938, cela créa des conditions extrêmement difficiles. En 1953, le Comité international de la Quatrième Internationale fut formé pour défendre le programme du trotskysme contre la tendance liquidatrice petite-bourgeoise du pablisme.

Répondant de manière impressionniste à la nouvelle stabilisation du capitalisme d’après-guerre, les pablistes ont déclaré qu’une «nouvelle réalité mondiale» était apparue, définie par la lutte de «deux camps»: l’impérialisme et l’Union soviétique. La lutte entre ces deux camps, selon les pablistes, avait transcendé la lutte des classes internationale. Les pablistes rejetaient ainsi le rôle révolutionnaire de la classe ouvrière, attribuant au contraire un tel rôle à la bureaucratie stalinienne. Partant de cette perspective, ils travaillèrent systématiquement à liquider la Quatrième Internationale dans les partis staliniens et sociaux-démocrates, ainsi que dans les mouvements nationalistes bourgeois.

Marcy n'a pas initialement pris le parti des pablistes, mais il succombera bientôt aux mêmes pressions politiques et de classe, et développera des conceptions politiques similaires. Dans une nécrologie (article en anglais) de Marcy en 1998, Fred Mazelis, membre fondateur de la Workers League (prédécesseur du Socialist Equality Party) a expliqué le virage à droite de Marcy et de sections plus larges de la classe moyenne:

La stabilisation de l’impérialisme d’après-guerre, facilitée par la forte influence et la politique contre-révolutionnaire du régime soviétique, a profondément désorienté nombre de ceux qui avaient lutté dans les années précédentes contre l’exploitation capitaliste et contre ses agents des bureaucraties social-démocrate et stalinienne. La bureaucratisation rapide des syndicats de la CIO et la relative quiétude de la classe ouvrière américaine [dans la période d'après-guerre] les ont amenés à rejeter la lutte pour les principes marxistes dans la classe ouvrière comme un projet désespéré. Dans le même temps, l’expansion du bloc soviétique et les révolutions chinoise et yougoslave ont été considérées comme la preuve que la bureaucratie soviétique et les partis staliniens du monde pouvaient être contraints de prendre la voie de la révolution. La perspective d’une révolution socialiste mondiale, qui avait animé les fondateurs du mouvement marxiste et les dirigeants de la révolution russe, a été abandonnée au nom d’une «nouvelle réalité mondiale».

Lorsque Marcy rompit avec le programme du trotskysme dans la seconde moitié des années 1950, il le fit sur une base explicitement pro-stalinienne. Alors qu'il était encore au SWP, en 1956, Marcy a répondu à la révolution politique des travailleurs hongrois contre la bureaucratie stalinienne en les dénonçant au motif qu’ils se livraient à une «contre-révolution». Il s'est félicité de l'écrasement du soulèvement par les forces militaires de la bureaucratie. Un peu plus de deux ans plus tard, au début de 1959, Marcy se sépara du SWP et fonda le Workers World Party (WWP).

Dans les années et décennies qui ont suivi, Marcy et le WWP, comme le note la nécrologie du WSWS, «ont réussi à associer les éloges flagorneurs pour des tyrans staliniens tels que feu Kim Il Sung de Corée du Nord et Nicolae Ceaușescu de Roumanie à un soutien servile de la bureaucratie anticommuniste de l’AFL-CIO.

Caractérisant le WWP en 2000, feu Helen Halyard, dirigeante de longue date du mouvement trotskyste aux États-Unis, a écrit (article en anglais) :

Au sein du WWP convergent plusieurs tendances idéologiques à caractère essentiellement réactionnaire. Elles incluent l’optique de la politique de protestation, le stalinisme, le nationalisme bourgeois et des formes de politique d’identité telles que le nationalisme noir. Tout cela est la marque de ce que nous avons souvent appelé le radicalisme de la classe moyenne, c'est-à-dire une perspective politique qui reflète les intérêts non pas de la classe ouvrière, mais bien plutôt de couches de la classe moyenne insatisfaites de leur position dans la société capitaliste, mais incapables de monter une opposition véritablement révolutionnaire au statu quo. Dans la société capitaliste, seul un programme qui articule les intérêts indépendants de la classe ouvrière et lutte pour établir son unité et son indépendance politique par rapport à toutes les sections de la bourgeoisie – libérales comme conservatrices – peut constituer la base d’un mouvement socialiste révolutionnaire.

Dans ses grandes lignes, le PSL a hérité de la vision et de la politique du WWP.

Les alliés du PSL aujourd'hui: soumission au Parti démocrate et aux régimes nationalistes bourgeois

Il existe une ligne de continuité directe entre la défense historique du stalinisme par le PSL et son orientation politique actuelle.

Dans son programme politique, le PSL prône une version réactionnaire et moderne du «socialisme dans un seul pays» – cette fois aux États-Unis. Dans le même temps, malgré sa rhétorique radicale, son orientation exclusive est de faire pression sur le plus ancien parti capitaliste du monde, le Parti démocrate, principal instrument de Wall Street, de l’armée et des agences de renseignement américaines.

Article après article, discours après discours, le PSL tente de convaincre les jeunes et les travailleurs que, même après 9 mois de génocide et plus de 186 000 morts, «faire pression» sur l’administration Biden «fonctionne».

Cette perspective de pression sur le Parti démocrate a animé les manifestations contre l'invasion de l'Irak par l'administration Bush en 2003-2004, qui, aux États-Unis, ont été principalement organisées par la coalition ANSWER. Hier comme aujourd’hui, cela s’est révélé être une impasse totale. Tout comme cette perspective n’a pu arrêter l’invasion de l’Irak ni son résultat, le massacre de jusqu’à un million d’Irakiens sur une décennie d’occupation, le génocide de Gaza n’a été ni arrêté ni entravé; il s’est au contraire intensifié.

Loin de «répondre» à la pression, démocrates et républicains ont non seulement intensifié leurs attaques contre les droits démocratiques dans le pays, ils ont encore invité – de manière démonstrative – le boucher en chef Benjamin Netanyahou, à s’adresser au Congrès le 24 juillet pour y donner « un rapport» sur le génocide. La principale revendication de la coalition ANSWER et du PSL s’est à nouveau adressé au gouvernement Biden: faire arrêter Benjamin Netanyahou et le remettre à la Cour pénale internationale.

Dans ces efforts, le PSL et la coalition ANSWER ont reçu le soutien de la bureaucratie syndicale de l’UAW (United Auto Workers) qui est pleinement intégrée au gouvernement Biden et au Parti démocrate, les principaux bailleurs de fonds du génocide israélien à Gaza. Le président de l'UAW, Shawn Fain, était invité d'honneur au discours sur l'état de l'Union de Biden et s'est rendu de nombreuses fois à la Maison Blanche depuis son élection frauduleuse à la tête du syndicat en 2022, promettant à Biden qu'il «partirait en guerre et mettrait le pouvoir de ses membres à [son] service».

Le président Joe Biden est accueilli par Shawn Fain, président du syndicat de l’automobile UAW, alors qu'il arrive pour prendre la parole à un congrès politique de ce syndicat, le mercredi 24 janvier 2024, à Washington. [AP Photo/Alex Brandon]

Le PSL défend également l’un des principaux outils de la classe dirigeante américaine pour diviser les travailleurs: la politique raciale et d’identité. Dans un témoignage particulièrement révélateur de son rejet du marxisme, de la vérité historique et des principes démocratiques fondamentaux, le PSL a approuvé les attaques contre les révolutions américaines et contre Abraham Lincoln qui ont trouvé leur manifestation la plus ignoble dans le Projet 1619 (article en anglais) du New York Times.

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Tout en se livrant à une politique raciale et nationaliste et en collaborant avec les bureaucraties syndicales aux États-Unis, au Moyen-Orient et à l’international, le PSL soutient les régimes nationalistes bourgeois et s’oppose à la mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre l’impérialisme et le système d’État-nation. Dans ses articles sur le génocide à Gaza, le PSL associe la promotion d'une politique de protestation sans effet pour faire pression sur l'impérialisme américain à la glorification éhontée des forces nationalistes bourgeoises et petites-bourgeoises comme le Hamas et les rebelles Houthis du Yémen, qu'il a qualifiés d’«axe de résistance» ayant déjà infligé une «défaite stratégique» à Israël.

Parmi les autres héros politiques du PSL figurent des personnalités telles que José Maria Sison, responsable de défaites sanglantes de la classe ouvrière aux Philippines et qui a fini par soutenir le gouvernement fascisant de Duterte vers la fin de sa vie. Néanmoins, le PSL le décrit comme un «camarade» et un «révolutionnaire brillant et dévoué».

En Chine, le PSL glorifie le régime capitaliste de Xi Jinping. Le 22 octobre 2022, il a décrit le Parti communiste chinois comme un «parti de pouvoir» qui était «profondément préoccupé par le bien-être du peuple chinois». Cela, quelques semaines seulement avant que le PCC ne succombe à la pression des puissances impérialistes et n’abandonne complètement toute mesure d’atténuation anti-Covid, entraînant plus d’un million de morts en quelques semaines. Il convient de souligner que le PSL, à l’image de la classe dirigeante aux États-Unis et dans le monde, a déclaré que la pandémie toujours en cours du COVID n’était pas un problème, l’ignorant totalement dans sa campagne présidentielle et sur son site Internet.

Bien que moins ouvertement, le PSL prône également une orientation vers le régime Poutine et a refusé de condamner son invasion réactionnaire de l’Ukraine le 24 février 2022.

Dans une déclaration publiée deux jours avant l'invasion, le PSL a décrit l'expansion de l'OTAN comme une menace existentielle pour la Russie et une «justification claire d'un point de vue géopolitique» pour la «prise de décision» de la Russie. Comme «solution», le PSL a fait appel à l’OTAN, l’exhortant à se dissoudre. «L’abolition de l’OTAN résoudrait à la fois les tensions explosives en Europe de l’Est et représenterait un pas historique vers la paix mondiale,» a déclaré le PSL. Il va sans dire que la classe dirigeante des pays impérialistes n’a pas franchi ce «pas historique vers la paix mondiale»!

Lorsque le régime de Poutine envahit l’Ukraine moins de 48 heures plus tard, le PSL publia une déclaration se concentrant à nouveau entièrement sur le rôle de l'OTAN dans la provocation de la guerre et insistant sur le fait que l'OTAN était l'agresseur. Bien qu’en soi correcte, en l’absence de condamnation de l’invasion réactionnaire du régime Poutine et sans avancer une ligne claire pour que la classe ouvrière en Russie, en Ukraine, en Europe et aux États-Unis s’oppose à cette guerre, de tels appels condamnant l’OTAN revient de fait à une adaptation et une justification de la politique du régime Poutine. Le PSL utilisa même le langage du Kremlin, décrivant la guerre comme une «opération militaire spéciale». Depuis, le PSL n’a publié aucun document programmatique sur la guerre en Ukraine.

En revanche, le Comité international de la Quatrième Internationale a dénoncé sans équivoque l’invasion quelques heures après le début de la guerre. Dans une déclaration de principe du 24 février 2022, le CI écrivait:

Malgré les provocations et les menaces des États-Unis et des puissances de l’OTAN, l'invasion de l'Ukraine par la Russie doit être combattue par les socialistes et les travailleurs conscients de leur classe. La catastrophe qui a été déclenchée par la dissolution de l’Union soviétique en 1991 ne peut être évitée sur la base du nationalisme russe, une idéologie profondément réactionnaire qui sert les intérêts de la classe dirigeante capitaliste représentée par Vladimir Poutine.

Ce qu’il faut, ce n’est pas un retour à la politique étrangère du tsarisme d’avant 1917, mais bien plutôt une renaissance, en Russie et dans le monde entier, de l’internationalisme socialiste qui a inspiré la révolution d’Octobre 1917 et a conduit à la création de l’Union soviétique en tant qu’État ouvrier. L’invasion de l’Ukraine, quelles que soient les justifications données par le régime de Poutine, ne peut que diviser la classe ouvrière russe et ukrainienne et, de plus, servir les intérêts de l’impérialisme américain et européen.

À première vue, il peut sembler contradictoire que le PSL appelle le gouvernement Biden et l’OTAN à «s’abolir elle-même», tout en apportant en même temps un soutien de fait au régimes de Poutine et de Xi. Mais du point de vue fondamental de son orientation historique et sociale, cette ligne est parfaitement cohérente.

En fait, surtout dans ses appels à la classe dirigeante impérialiste, le PSL reflète la politique néo-stalinienne du régime de Poutine, qui a émergé comme un régime bonapartiste issu de la restauration du capitalisme par la bureaucratie stalinienne en URSS. Par son invasion réactionnaire de l’Ukraine, le régime Poutine a cherché à faire pression sur les puissances impérialistes et à les forcer de s’asseoir à la table de négociations. Même si ce calcul s’est retourné contre lui de manière catastrophique, le Kremlin n’y a pas renoncé. Le régime de Poutine, dont la principale préoccupation est de défendre les actifs des oligarques contre la menace d'une révolution sociale, partage l'orientation de la bureaucratie stalinienne vers une «coexistence pacifique» avec l'impérialisme. Cette politique étrangère néo-stalinienne n’est pas seulement pro-capitaliste, elle n’est pas viable.

Comme David North l’expliquait en 2023 :

La distribution et l'allocation pacifiques des ressources mondiales entre États capitalistes et impérialistes est impossible. Les contradictions entre l'économie mondiale et le système d'États-nation capitalistes conduisent à la guerre. En tout état de cause, la réalisation d'un monde multipolaire, même en faisant abstraction de ses fondements théoriques erronés, exige son acceptation pacifique par la puissance impérialiste dominante, les États-Unis. Or, cette perspective n'est pas réaliste. Les États-Unis s'opposeront par tous les moyens à leur disposition aux tentatives de bloquer leur volonté d'hégémonie «unipolaire». Ainsi, la volonté utopique de remplacer un système «unipolaire» par un monde «multipolaire» conduit, par sa propre logique tordue, à la Troisième Guerre mondiale et à la destruction de la planète.

Conclusion

L’un des principes fondamentaux de l’opposition socialiste à la guerre impérialiste est qu’elle doit être ancrée dans la classe ouvrière et dans son unité internationale. De plus, depuis la Première Guerre mondiale, les socialistes révolutionnaires ont toujours insisté sur le fait que, dans un conflit réactionnaire, les travailleurs de chaque pays doivent adopter la position du défaitisme révolutionnaire, c'est-à-dire une politique d'opposition révolutionnaire à leur «propre» classe capitaliste qui, par le moyen de la guerre, cherche à défendre ses propres intérêts nationaux et économiques contre la classe ouvrière, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur.

Le PSL renverse tous ces principes: dans les conditions d’une guerre mondiale émergente et du discrédit de tendances pseudo-de gauche plus connues telles que les DSA, il tente désespérément de maintenir la classe ouvrière et la jeunesse liées à telle ou telle faction de la bourgeoisie. Loin d’être une véritable tendance socialiste, il s’agit d’un groupe radical nationaliste petit-bourgeois dont le rôle principal consiste à empêcher les jeunes et les travailleurs radicalisés de trouver la voie d’une véritable politique socialiste et révolutionnaire.

Cela se voit clairement dans le rôle que le PSL joue en tant que «police politique» des manifestations anti-génocide: tout en lançant des phrases radicales sur scène, à l’insu de la plupart des manifestants, le PSL a systématiquement empêché les membres de l’IYSSE et du SEP de s’exprimer aux manifestations.

Une odeur nauséabonde plane sur toute l’histoire et la politique du PSL, dont on peut décrire la politique comme néo-stalinienne. Il recycle toutes les vieilles manœuvres pourries du fossoyeur de la révolution socialiste au XXe siècle, que ce soit dans le centre de l’impérialisme mondial, aux États-Unis, ou dans les pays opprimés. Le fait que la classe dirigeante doive s’appuyer désormais sur de telles forces pour faire dérailler l’opposition de masse à sa politique et soutenir son régime témoigne de la profondeur de sa crise.

Il n’est pas besoin d’une profonde vision historique pour prédire que cet appui est bien fragile. Le PSL est l’un des principaux candidats destinés à ce que Trotsky appela à juste titre la «poubelle de l’histoire». Sa politique ne résistera pas à l’épreuve des chocs à venir de la guerre et de la lutte des classes. L’émergence et la disparition de telles tendances ne constituent pas l’exception mais la règle de tout processus de radicalisation de masse.

Le mouvement des masses vers la révolution ne se produit pas du jour au lendemain. La classe ouvrière et les jeunes passent par des expériences de lutte bien définies, au cours desquelles ils entrent en contact avec différentes tendances politiques et doivent surmonter les obstacles politiques et idéologiques lancés sur leur chemin par la classe dirigeante.

Mais cela ne fait que rendre encore plus urgente la tâche de tirer les leçons politiques des dix derniers mois de protestations et du rôle joué par des organisations comme le PSL.

Le mouvement de protestation contre le génocide de Gaza est à la croisée des chemins. S’il continue à être dominé par des organisations nationalistes petites-bourgeoises et subordonné au Parti démocrate, il s’effondrera inévitablement, aggravant un sentiment de démoralisation et de désespoir politique parmi les jeunes qui a déjà conduit au tragique suicide de protestation d’Aaron Bushnell.

L'autre voie réside dans un tournant vers la classe ouvrière et la construction d'un puissant mouvement socialiste anti-guerre, capable de mettre fin à la Troisième Guerre mondiale en développement, qui est en train de métastaser dans tout le Moyen-Orient et l’Europe de l'Est, la Russie, la Chine et l’Iran étant dans le collimateur de l’impérialisme américain.

L’organisation des jeunes et des étudiants du mouvement trotskyste mondial, l’Internationale des Jeunes et Etudiants pour l'égalité sociale (IYSSE), appelle donc tous les jeunes et les travailleurs opposés à la guerre impérialiste à entreprendre la lutte pour construire une direction socialiste dans la classe ouvrière! Étudiez l’histoire et la politique du trotskysme ! Le rassemblement organisé par le SEP (le Parti de l'égalité socialiste aux États-Unis) et l'IYSSE à Washington DC le 24 juillet a été un jalon important dans la construction d’un véritable mouvement socialiste anti-guerre afin de mettre fin au génocide à Gaza, à la guerre en Ukraine et à l'escalade vers la Troisième Guerre mondiale !

(Article paru en anglais le 22 juillet 2024)

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