Fred Hahn, haut fonctionnaire syndical, attaqué par le plus grand syndicat du Canada pour avoir exprimé son opposition au génocide de Gaza

Le Conseil exécutif national (CEN) du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) soutient et encourage la chasse aux sorcières étatique de droite menée contre Fred Hahn, le président du SCFP-Ontario, le traitant d’«antisémite» pour avoir exprimé son opposition au génocide israélien soutenu par l’impérialisme dans la bande de Gaza.

La semaine dernière, le conseil exécutif national (CEN) du SCFP, le plus grand syndicat du Canada, a tenté de purger Fred Hahn de sa plus haute instance dirigeante. Le CEN a exigé sa démission en tant que vice-président général du SCFP-Ontario, citant le fait qu’il avait reposté une vidéo anti-génocide sur les médias sociaux, un geste que le CEN a qualifié de façon malhonnête de «profondément problématique» et de «violation claire de la déclaration sur l’égalité de notre syndicat».

Fred Hahn, lors du récent congrès du SCFP-Ontario, où il a été réélu président [Photo: Ontario CUPE/Facebook]

Hahn a refusé de démissionner et a une fois de plus rejeté catégoriquement les accusations d’«antisémitisme» dont les médias, le premier ministre de l’Ontario Doug Ford et d’autres membres éminents de son gouvernement notoirement de droite et favorable à la grande entreprise cherchent à l’affubler depuis les dix derniers mois.

«Je rejette totalement toute accusation d’antisémitisme, a déclaré Hahn. Tous ceux qui me connaissent et travaillent avec moi savent que c’est un mensonge. Je reste fermement convaincu que c’est commettre une terrible erreur et de l’antisémitisme que de faire l’amalgame entre les actions odieuses de l’État d’Israël et l’humanité ou l’identité juive.»

L’organisme Voix juives indépendantes a pris la défense de Hahn, notant à juste titre que «le droit des travailleurs au Canada de s’exprimer contre le génocide doit être protégé en tant que principe fondamental de la liberté d’expression».

Néanmoins, enhardis par la capitulation crapuleuse du CEN face à la campagne visant à salir Hahn et toute opposition à la guerre génocidaire d’Israël, tant les médias que le gouvernement Ford ont intensifié leurs efforts pour le chasser de la direction du SCFP. Il en va de même pour les éléments pro-sionistes de droite au sein du syndicat. Le chef de la division Air Canada du SCFP, Wesley Lesosky, a publié une déclaration prétendument au nom des 10.000 agents de bord d’Air Canada, exigeant que Hahn démissionne du CEN. Mardi, plusieurs douzaines de pro-sionistes, dont tout au plus une poignée de membres dissidents du SCFP, ont organisé un piquet de grève devant le bureau régional du SCFP-Ontario, au nord de Toronto, exigeant le renvoi de Hahn. Il y a également une poursuite-bâillon en cours contre Hahn et le SCFP qui est menée par un petit groupe de syndicalistes pro-sionistes, mais qui est encouragée et sans aucun doute financée par des figures puissantes au sein de l’élite capitaliste du Canada.

Malgré nos divergences bien documentées avec Hahn – un membre loyal de l’appareil du SCFP depuis des décennies – le World Socialist Web Site et le Parti de l’égalité socialiste (Canada) appellent les membres du SCFP et tous les travailleurs à s’opposer résolument à la chasse aux sorcières menée contre Hahn et à la tentative de l’évincer de la direction du SCFP.

C’est là une attaque flagrante contre les droits démocratiques des plus de 750.000 membres du SCFP. Hahn a été réélu président du SCFP-Ontario en mai 2024, malgré une campagne de plusieurs mois menée par le premier ministre Ford et ses ministres, ainsi que par le Toronto Sun et le National Post, qui l’ont diffamé en le traitant d’antisémite et de partisan du terrorisme. Ces attaques ont été déclenchées suite aux nombreuses déclarations sympathiques de Hahn en faveur des Palestiniens avant et après le soulèvement du 7 octobre 2023 contre l’occupation illégale et la dépossession systématique de ce peuple par Israël.

La chasse aux sorcières dont fait l’objet Hahn n’est pas principalement dirigée contre lui. Elle s’inscrit plutôt dans une campagne plus vaste de la classe dirigeante, activement soutenue par le gouvernement libéral Trudeau et maintenant soutenue et encouragée par la direction du SCFP, pour délégitimer et réprimer toute opposition populaire à la guerre impérialiste et à l’utilisation du génocide pour faire avancer les intérêts de l’impérialisme canadien et de ses alliés. Le but est notamment d’essayer d’éradiquer toute expression dans la vie politique officielle du dégoût et de l’opposition de la grande majorité des travailleurs au massacre des Palestiniens de Gaza, un massacre qui dure maintenant depuis dix mois, par la guerre, la famine et la destruction délibérée de l’infrastructure publique.

Hahn subit le même traitement que la députée provinciale Sarah Jama, qui s’était également exprimée en faveur des Palestiniens en octobre 2023 et qui s’est vue par la suite expulsée du groupe parlementaire du NPD Ontario et censurée par la législature provinciale. Elle est désormais un paria de la politique officielle.

Le tweet de Hahn et le tollé de droite artificiel

L’examen de la publication prétendument «antisémite» de Hahn sur les réseaux sociaux – le péché capital pour lequel on nous dit qu’il doit être condamné – ne fait que souligner à quel point toute cette campagne de diffamation est artificielle et désespérée.

La vidéo que Hahn a partagée le 11 août, alors que les Jeux olympiques de Paris battaient leur plein, montre ce qui est clairement censé être un plongeur olympique israélien, avec une étoile de David bleue (semblable à celle du drapeau israélien) tatouée sur l’épaule, qui plonge dans une piscine. Alors que le plongeur descend, la vidéo se transpose à Gaza et le plongeur se transforme en bombe qui explose en détruisant un bâtiment. Suivent des scènes de désordre et de personnes paniquées portant des blessés dans leurs bras.

Comme Hahn l’a expliqué par la suite, «mon intention en publiant cette vidéo était d’attirer l’attention sur le fait que, alors que la Fédération de Russie est interdite de participation aux Jeux olympiques de Paris, l’État d’Israël est autorisé à y participer – ce qui m’apparait clairement comme une politique de deux poids, deux mesures».

En effet, les athlètes russes ont été exclus des Jeux de Paris avec le soutien et à la demande du président français Emmanuel Macron et des autres puissances impérialistes, dont le Canada, qui ont fomenté et ne cesse d’intensifier sans relâche la guerre avec la Russie en Ukraine. Parallèlement, Macron a tenu à adresser une invitation spéciale au Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou pour qu’il assiste aux Jeux.

Netanyahou, fraîchement rentré en Israël après son discours du 24 juillet devant une session bicamérale du Congrès américain, a choisi de laisser le président israélien se rendre en France à sa place. Mais Israël a quand même pleinement profité de la scène olympique pour tenter de légitimer sa guerre génocidaire. De nombreux membres de l’équipe olympique israélienne sont en effet d’anciens ou d’actuels membres des forces de défense israéliennes, et plusieurs ont fait des déclarations politiques explicites en faveur de la guerre de Gaza.

Si les impérialistes, les sionistes et les bureaucrates privilégiés qui dirigent le SCFP trouvent la vidéo du plongeur-bombardier «profondément problématique» – une belle expression fourre-tout vide de sens conçue pour éviter les questions politiques soulevées par la vidéo et faire appel plutôt à des émotions irrationnelles – ce n’est pas à cause d’un quelconque soupçon, aussi raréfié soit-il, d’antisémitisme. C’est plutôt parce qu’ils voient toute agitation contre le génocide soutenu par l’impérialisme comme une menace politique.

Le même CEN du SCFP qui prend des mesures contre Hahn sous le prétexte fallacieux qu’il viole la déclaration sur «l’égalité syndicale», faut-il le souligner, n’a aucun scrupule à soutenir l’alliance gouvernementale entre le Nouveau Parti démocratique et les Libéraux. Avec le soutien inconditionnel du SCFP, le NPD continue de soutenir le gouvernement libéral minoritaire qui soutient l’assaut d’Israël contre les Palestiniens en lui apportant soutien politique et militaire; il joue un rôle majeur dans la guerre contre la Russie; il détourne des dizaines de milliards de dollars qui pourraient servir à la satisfaction des besoins sociaux vers l’acquisition de nouvelles flottes de navires de guerre, d’avions de guerre et de sous-marins; et il saccage le droit de grève des travailleurs.

Bien que Hahn ait jusqu’à présent refusé de céder à la demande de démission du CEN, il a déjà tenté d’apaiser ses détracteurs de droite. Le 18 août, il a retiré la vidéo du plongeur-bombe olympique israélien et s’est «excusé».

Capitulation du SCFP face à la campagne de diffamation menée par Doug Ford

Comme on pouvait s’y attendre, cela n’a fait que les encourager. Dans les jours qui ont précédé et suivi la décision du CEN, Ford et le ministre du Travail de l’Ontario David Piccini ont publiquement attaqué Hahn.

Ainsi, Piccini a confronté Hahn lors d’une réception publique le 20 août. Flanqué d’un journaliste du Toronto Sun filmant l’échange sur un téléphone portable, Piccini a déclaré: «Vous devez arrêter de haïr les juifs», avant d’ajouter : «Vos membres méritent mieux que cela.» Cela sort de la bouche d’un ministre d’un gouvernement qui réduit les services publics fournis par les membres du SCFP et qui, en novembre 2022, a invoqué la «clause dérogatoire» de la Constitution canadienne pour criminaliser de façon préventive une grève des membres du SCFP employés comme personnel de soutien dans les écoles publiques de la province.

Le lendemain, Ford, un admirateur du dictateur en puissance Donald Trump, a traité Hahn d’«être humain dégoûtant» et de «brute» en conférence de presse. Ford a ensuite demandé à Hahn de démissionner. Également le 21 août, le CEN du SCFP a rendu public le fait qu’il avait demandé la démission de Hahn.

Salués par une avalanche de commentaires médiatiques élogieux de la part de personnalités comme Brian Lilley du Toronto Sun, John Ivison du National Post, John Ibbitson du Globe & Mail et Rosie DiManno du Toronto Star, tous fervents défenseurs de l’apartheid israélien et persécuteurs de longue date de Hahn, les «dirigeants nationaux» du SCFP ont publié un communiqué de presse dans lequel ils tentaient de prétendre qu’ils n’étaient pas en train d’aider et d’encourager la réaction.

«À la suite des récents commentaires de Doug Ford sur les affaires internes du SCFP et Fred Hahn, le président du SCFP-Ontario, soutient le communiqué, le SCFP souhaite clarifier plusieurs points.

«D’abord, nous ne suivons pas les conseils d’un premier ministre antisyndicaliste qui cherche à détourner l’attention de ses propres scandales et de son bilan désastreux.»

Le communiqué poursuit: «Il est absolument insensé d’insinuer que demander à Fred Hahn de démissionner de son poste de vice-président général équivaut à soutenir le génocide à Gaza, ou se veut une réponse à l’intimidation d’un premier ministre conservateur.»

Voilà vraiment un bel exemple de la dame proverbiale qui «proteste trop». Le fait que la direction du SCFP soutient une campagne agressive de droite visant à faire taire l’opposition au génocide israélien apparait clairement à tous les travailleurs dotés d’une conscience de classe, peu importe la façon dont la direction du syndicat tente de le nier. De plus, cela va tout à fait dans le sens du soutien politique que la direction du SCFP apporte au gouvernement Trudeau et de son opposition à la mobilisation de la classe ouvrière contre la guerre à Gaza qui est soutenue par l’impérialisme canadien.

L’attaque menée contre Hahn par le CEN du SCFP souligne que la lutte contre le génocide perpétré à Gaza et les préparatifs de guerre mondiale en cours passe par la lutte contre la bureaucratie syndicale et sa répression politique de la classe ouvrière.

Inversant la situation, la pseudo-gauche essaye d’utiliser l’attaque contre Hahn menée par la direction du SCFP pour soutenir sa thèse selon laquelle les travailleurs doivent s’orienter vers les syndicats, même s’ils s’intègrent de plus en plus profondément dans la machine de guerre impérialiste et qu’ils étouffent systématiquement la lutte des classes. L’attaque contre Hahn, selon eux, démontre qu’il y a une section de la bureaucratie syndicale qui est sensible à la pression de la gauche, sinon même «militante».

Tout cela n’est que balivernes. Les travailleurs doivent défendre sans équivoque Hahn contre les meneurs de chasse aux sorcières pro-impérialistes et pro-sionistes, et tous ceux qui capitulent devant eux, tant au sein du SCFP qu’à l’extérieur. Mais cette lutte doit être développée dans le cadre de la lutte pour mobiliser la classe ouvrière contre le génocide, y compris par la grève, et contre les gouvernements impérialistes, dont celui du Canada, sans le soutien desquels le gouvernement fasciste de Netanyahou et son projet sioniste exclusiviste ne pourraient survivre.

C’est pour cela qu’il faut aussi rejeter la politique de Hahn. Ses divergences avec la direction du SCFP, appareil syndical dans lequel il a servi pendant des décennies, sont uniquement d’ordre tactique. Il ne s’est en effet jamais opposé à l’alliance antisyndicale néo-démocrate-libérale. Par ailleurs, en novembre 2022, il s’est rangé aux côtés du président national du SCFP, Mark Hancock, de même qu’à Laura Walton, alors à la tête du Conseil des syndicats des conseils scolaires de l’Ontario, et maintenant de la Fédération du travail de l’Ontario, ainsi qu’au reste de la bureaucratie syndicale pour empêcher que la défiance massive à l’égard du gouvernement Ford et de sa Loi 28 antigrève ne se transforme en grève générale à l’échelle de la province. Et Hahn a beau professer son soutien aux Palestiniens, il n’a quand même jamais rien fait pour mobiliser les 8.000 membres du SCFP à l’Université de Toronto pour s’opposer au démantèlement du campement anti-génocide qui s’y trouvait.

(Article paru en anglais le 31 août 2024)

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