Les leçons de la trahison commise par l’UAW à l’usine Dakkota

Vous travaillez chez Dakkota, Ford ou dans l'industrie automobile ? Écrivez-nous pour vous impliquer dans le Réseau des comités de base des travailleurs de l'automobile.

Des grévistes de l'usine de pièces automobiles Dakkota sur le piquet de grève dans le quartier sud de Chicago. Les travailleurs de l'usine produisent des pièces qui approvisionnent l'usine d'assemblage Ford de Chicago située à proximité.

Frères et sœurs,

Mardi, les travailleurs de Dakkota à Chicago reprendront le travail, après que la bureaucratie des Travailleurs unis de l'automobile (UAW) a fait adopter son entente de capitulation au cours du week-end, mettant fin à notre grève de près d'un mois.

Il n'y a absolument rien de légitime dans les affirmations de la section locale 3212 de l'UAW selon lesquelles leur accord a été «ratifié» à 92 % samedi.

La convention collective impose des salaires pour les nouveaux embauchés à partir de 16,80 dollars de l'heure, soit à peine plus que le salaire minimum de Chicago. Les 22 dollars de l'heure pour les travailleurs d’expérience, qui passeront à 26,70 dollars en 2027, ne suivent pas l'inflation et constituent également un salaire de misère, ce qui signifie que nous continuerons à être contraints de cumuler deux ou trois emplois pour pouvoir payer les factures.

De nombreux travailleurs ne connaissent peut-être pas notre lutte, car l'UAW et les médias ont maintenu un black-out quasi total sur celle-ci. Il est donc nécessaire de rappeler brièvement ce qui s'est passé.

Les responsables syndicaux ont refusé d'accepter quatre rejets consécutifs de l’entente par les travailleurs de Dakkota au cours du mois d'août. Ils nous ont fait voter encore et encore sur le même accord – trois fois en une semaine – en nous intimidant jusqu'à ce qu'ils obtiennent le résultat souhaité par l'entreprise. L'appareil de l'UAW nous a affamés sur le piquet de grève et nous a caché des informations, ne nous montrant même pas le contrat complet, malgré nos demandes répétées.

Le siège de l'UAW a également tenu l'ensemble des membres dans l'ignorance totale de notre lutte, dans le but de nous isoler des travailleurs de Stellantis, où le président de l'UAW, Shawn Fain, prétend faussement mener une lutte contre les licenciements collectifs.

La bureaucratie syndicale craignait également que notre rébellion n'encourage les travailleurs d'autres entreprises de pièces détachées. Vendredi, la section locale 1216 de l'UAW a soudainement annoncé une entente de principe chez Ventra (appartenant à Flex-N-Gate) à Sandusky, dans l'Ohio, bloquant ainsi une grève prévue pour le 1er septembre. Les travailleurs de cette entreprise en ont également assez de leur exploitation extrême.

Au nom de l'entreprise, les représentants de l'UAW nous ont également menacés d'un lock-out et de la perte de nos emplois si nous ne nous soumettions pas à leur «ultime et meilleure offre», tout en encourageant ceux qui avaient franchi le piquet de grève à voter pour faire passer l'accord.

Pire encore, l'UAW a ordonné aux travailleurs de Ford Chicago d’utiliser les pièces fabriquées par les briseurs de grève que Dakkota avait embauchés, alors que les travailleurs de Ford étaient largement favorables à l'interdiction de ces pièces. La semaine dernière, les travailleurs de Dakkota et de Ford ont organisé ensemble un piquet d'information à l’usine Chicago Assembly, appelant d'urgence les travailleurs de l'usine à refuser collectivement d’utiliser les pièces, ce qui a suscité une forte réaction.

C'est par crainte que les travailleurs de Ford Chicago ne prennent les choses en main que l'UAW a tout mis en œuvre pour faire adopter l’entente le week-end dernier.

Maintenant qu'ils ont trahi notre grève, les responsables de l'UAW tentent déjà de rejeter la responsabilité sur les travailleurs qui ont franchi le piquet de grève. Mais l'appareil de l'UAW est responsable d'avoir mis les travailleurs dans cette position avec des indemnités de grève inadéquates et payées en retard, et des salaires de misère dans le cadre de la convention collective précédente. Ils ont ouvertement dit aux travailleurs de reprendre le travail alors que la grève était toujours en cours.

Les vrais briseurs de grève sont les bureaucrates de l'UAW qui n'ont jamais manqué un seul salaire pendant la grève et qui se promènent dans de nouvelles Cadillac en nous disant que nous n'avons pas d'autre choix que de faire ce que veut l'entreprise.

Le contexte plus large de notre lutte

Les travailleurs de l'ensemble de l'industrie automobile sont confrontés à une hémorragie d'emplois et à une course à la réduction des coûts, les bureaucraties syndicales de chaque pays jouant le rôle d'exécutants pour les entreprises. Les efforts déployés par Dakkota (et derrière lui, Ford) pour maintenir nos salaires faibles s'inscrivent dans ce processus.

Stellantis a annoncé qu'elle prévoyait de supprimer définitivement 2450 emplois dans son usine Warren Truck, dans la banlieue de Detroit, qu'elle retardait ses projets de réouverture des installations de Belvidere Assembly cette année et qu'elle menaçait 25.000 emplois dans le secteur de l'automobile et des pièces détachées en Italie. Un autre fournisseur de pièces détachées, Dana, vient d'annoncer qu'il prévoyait de fermer son usine de Lima, dans l'Ohio, et aurait fermé son usine de St. Clair, dans le Michigan.

Tous les grands groupes automobiles suppriment des milliers d'emplois dans le monde entier, des États-Unis à l'Allemagne et à l'Italie, voire à la Chine. Ils se livrent à une concurrence acharnée sur les marchés des véhicules électriques et tentent d'enrichir leurs investisseurs avec des milliards de dollars en bénéfices, qui sont générés par le travail des ouvriers de l'automobile tout au long de la chaîne d'approvisionnement mondiale.

L'UAW et les médias ont prétendu que les «grèves debout» de l'année dernière chez les Trois Grands avaient abouti à des conventions collectives «historiques». Mais cette lutte a également été trahie par Fain et la bureaucratie, tout comme la nôtre, dans le cadre d'une série ininterrompue de trahisons de la part de l'UAW. Les grèves de soutien ont été délibérément inefficaces et ont maintenu la majorité des travailleurs en poste, et les nouvelles conventions collectives ont donné aux entreprises le feu vert pour licencier des milliers de travailleurs.

Tirer les leçons : Construire le réseau des comités de base !

Malgré la trahison de notre grève, nous reprendrons le travail la tête haute mardi. Les travailleurs de Dakkota ont pris position et se sont battus pour leurs droits et ceux de tous les travailleurs.

Nous souhaitons exprimer notre reconnaissance au World Socialist Web Site, qui a fait plus pour nous informer en un seul article que l'UAW pendant toute la durée du processus. Le WSWS a été la seule publication à donner des informations véridiques sur notre grève, contrebalançant ainsi le black-out quasi total des médias et de l'UAW.

La bataille pour nos droits fondamentaux est loin d'être terminée. Maintenant que la grève a été arrêtée, l'entreprise cherchera à accélérer la production et à nous faire suer en heures supplémentaires, comme le fera Ford. Alors que Ford a déclaré qu'il ralentissait pour l'instant ses projets de véhicules électriques en réponse à une demande plus faible que prévu, les analystes de l'industrie automobile ont déclaré à plusieurs reprises que la transition vers les véhicules électriques remettait en question l'avenir de l'usine d'assemblage de Chicago, menaçant des milliers d'emplois dans toute la région.

Les entreprises, aidées par les bureaucrates syndicaux, continueront à intensifier leurs attaques jusqu'à ce que les travailleurs y mettent un terme. Nous pensons que les travailleurs de l'automobile du monde entier doivent tirer les conclusions suivantes de l'expérience de notre grève :

  1. La bureaucratie de l'UAW représente les entreprises, pas les travailleurs, et c'est tout autant le cas sous le président Shawn Fain que sous Ray Curry. Fain s'est rendu deux fois à Chicago pendant notre grève pour promouvoir Harris et les démocrates, tout en faisant la sourde oreille à nos appels. Notre lutte a démontré une fois de plus que l'appareil de l'UAW agit en tant qu'agent des grandes entreprises et de leurs partis politiques, et non en tant qu'agent des travailleurs.

    Il convient de noter que les travailleurs de l'automobile seront bombardés de publicités de campagne de l'UAW au cours des deux prochains mois, affirmant qu'il est nécessaire de voter pour Harris pour défendre la démocratie, mais la réalité est que les travailleurs au sein de l'UAW sont privés des droits démocratiques fondamentaux, y compris le droit d’avoir un vote qui compte.
  2. Les travailleurs ont besoin d'organisations collectives qui représentent véritablement leurs intérêts. Le Comité de base des travailleurs de Dakkota a été créé parce que nous, les travailleurs, avons vu que les responsables de l'UAW travaillaient pour l'autre camp. Notre comité a formulé des revendications fondées sur les besoins réels des travailleurs, notamment une augmentation de salaire de 50 %, et s'est battu pour élaborer une stratégie visant à étendre et à gagner la grève. De leur côté, les responsables de l'UAW nous ont en grande partie caché leur jeu tout en complotant en coulisses avec l'entreprise.

    Nous exhortons les travailleurs de Dakkota à rejoindre et à développer notre comité de base, et à nous aider à étendre le réseau de comités chez Ford et chez ses fournisseurs comme Lear, Flex-N-Gate et d'autres. Le Comité de base des travailleurs de Dakkota soutient également l'appel de l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) pour de nouvelles élections à l'UAW, supervisées cette fois par les travailleurs eux-mêmes.
  3. Les travailleurs doivent étendre leurs luttes au-delà d'une seule usine ou d'une seule entreprise pour que les prochaines batailles soient couronnées de succès. Notre lutte a montré que les travailleurs ne peuvent pas gagner contre les entreprises géantes si leurs luttes restent isolées.

    Les travailleurs de Dakkota ne se battaient pas seulement contre une entreprise particulièrement avide. Derrière Dakkota, il y avait Ford Motor Company et ses gros investisseurs de Wall Street. Pour vaincre ces entreprises géantes, les travailleurs doivent disposer d'une stratégie internationale et de leurs propres organisations.

Si la trahison de notre grève par l'UAW a été particulièrement éhontée, notre expérience à Dakkota n'est pas fondamentalement unique. Encore et encore, les travailleurs de la base se rebellent contre les conventions collectives pro-patronales imposées par les bureaucraties syndicales, qu'il s'agisse de John Deere, Mack ou Volvo Trucks, des travailleurs des compagnies aériennes et ferroviaires ou d'autres encore.

Les inégalités atteignent des proportions presque inimaginables. La société est divisée entre, d'une part, une aristocratie financière et patronale dont les fortunes atteignent des centaines de milliards et, d'autre part, une classe ouvrière qui représente la grande majorité de la population et qui lutte quotidiennement pour survivre et mettre de la nourriture sur la table.

La rébellion à Dakkota est le dernier signe en date que les travailleurs atteignent un point de rupture et que beaucoup d'entre eux n'ont plus rien à perdre. La tâche urgente qui se pose aux travailleurs partout dans le monde est de construire un puissant mouvement de la base qui unisse cette opposition et lutte pour affirmer la volonté et les intérêts de la classe ouvrière.

Prenez la décision de vous impliquer dans la contre-offensive : adhérez au Comité de base des travailleurs de Dakkota ou un autre comité de base sur votre lieu de travail.

(Article paru en anglais le 3 septembre 2024)

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