Ignorant le vote de grève de 33.000 travailleurs de Boeing, les bureaucrates de l’AIMTA planifient un vote sur une convention collective inexistante

Vous travaillez chez Boeing ? Dites-nous ce que vous attendez de la prochaine convention collective. Toutes les soumissions resteront anonymes.

Un Boeing 787-8 Dreamliner

Plus de 33.000 machinistes des usines Boeing de l'État de Washington et de l'Oregon sont prêts à se mettre en grève à l'expiration de leur convention collective le 12 septembre. Les travailleurs, membres de la section locale 751 de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale (AIMTA), ont voté à 99,9 % en faveur de la grève lors d'une réunion de masse en juillet, à laquelle environ 85 % des membres ont participé.

Les travailleurs sont déterminés à récupérer les immenses pertes de salaires et d'avantages sociaux subies au cours des quinze dernières années. Les travailleurs n'ont pas reçu d'augmentation de salaire depuis dix ans et sont sous la même convention collective depuis un nombre incroyable de 16 ans, à la suite d'une grève de 57 jours en 2008. Ils sont également indignés par les réductions constantes des protocoles de sécurité qui ont conduit à une série de catastrophes très médiatisées sur les avions 737-MAX de la compagnie.

Avec les grands affrontements sur les docks de la côte est, sur les chemins de fer, dans les principaux districts scolaires et sur d'autres lieux de travail, les travailleurs de Boeing ont la possibilité de contribuer à la construction d'un mouvement unifié de la classe ouvrière.

Mais les travailleurs ne se battent pas seulement contre Boeing, mais aussi contre les larbins de l'entreprise au sein de la bureaucratie de l'AIMTA. D'ici au 12 septembre, les travailleurs doivent se préparer en s'organisant de manière indépendante en comités de base, afin de faire respecter la décision démocratique qu'ils ont prise en juillet.

Un simulacre de vote se prépare

La bureaucratie de l'AIMTA a déclaré qu'elle était prête à appeler à la grève. Elle ne dit cela que pour couper l’herbe sous le pied aux travailleurs. En réalité, ils ont déjà conclu un accord qu'ils s'apprêtent à faire adopter par un simulacre de vote.

Selon les «mises à jour» des négociations sur le site Internet de l'AIMTA, un vote a déjà été programmé pour le 12 septembre. Les travailleurs sont invités à voter sur une «convention collective» qui, officiellement, n'existe pas. L'AIMTA affirme qu'elle reste très éloignée de Boeing sur des questions essentielles, notamment les salaires. De plus, selon les déclarations de Boeing, les négociations devraient se poursuivre jusqu'au 12 septembre.

Cela signifie que les travailleurs de Boeing seront contraints de voter le 12 septembre sur un contrat qui aura été finalisé à la dernière minute, avant que les travailleurs n'aient eu le temps de l'examiner.

Pire encore, l'AIMTA est prête à passer outre un vote négatif pour faire appliquer la convention collective. Le bulletin de vote, dont un exemple a été mis en ligne, contient deux points : le premier porte sur la convention collective et le second sur une autorisation de grève.

L'AIMTA n'explique pas pourquoi elle demande un second vote pour l'autorisation de grève alors que les travailleurs ont déjà voté à 99,9 % en juillet. Mais cela est clairement indiqué dans un avertissement qui se lit comme suit : «Si une majorité de membres vote pour rejeter l’entente mais que moins des deux tiers votent pour la grève, l’entente est acceptée par défaut.»

Prospectus de l'AIMTA avec un exemple de bulletin de vote [Photo: IAM District 751]

En d'autres termes, si une majorité de 65 % des électeurs vote contre la convention collective et que le même nombre d'électeurs votent en faveur d'un vote de grève, le contrat est «ratifié».

La bureaucratie de l'AIMTA prétend qu'elle appelle tout le monde à voter la grève, qu'ils approuvent ou non le contrat. Mais ce n'est que pour rejeter la responsabilité de la clause antidémocratique qu'elle a elle-même créée. L'impact évident de cette procédure confuse et inutile est de créer un scénario dans lequel un vote négatif à une écrasante majorité est tout simplement écarté.

Cela rappelle le tristement célèbre vote sur la convention collective chez UPS en 2018, où la bureaucratie des Teamsters a annulé un vote négatif en invoquant une clause antidémocratique similaire exigeant une majorité des deux tiers pour rejeter un accord si le taux de participation était inférieur à 50 %.

L'AIMTA suit non seulement la stratégie des Teamsters de 2018, mais aussi celle de 2023. L'année dernière, le président général des Teamsters, Sean O'Brien, a faussement prétendu qu'il était prêt à déclencher une grève chez UPS, afin de donner l'impression que le contrat conclu était le fruit d'une «menace de grève crédible». Depuis lors, des milliers de travailleurs d'UPS ont perdu leur emploi.

Ce n'est que la dernière d'une série de trahisons de la part de la bureaucratie de l'AIMTA. Ils ont contribué à imposer la convention collective actuelle pour 16 ans par le biais de prolongations répétées, d'abord en 2012, puis pour 10 ans supplémentaires en 2014.

Les travailleurs n'ont pas bénéficié d'une augmentation de salaire depuis la prolongation de 2014. À l'époque, Boeing avait menacé de délocaliser la production de son modèle 777 hors de l'État de Washington, tandis que le syndicat aidait l'entreprise à forcer les travailleurs à renoncer à leurs retraites payées par l'entreprise.

L'AIMTA a affirmé que les travailleurs avaient accepté cette prolongation par un vote de 51 % contre 49 %, soit par seulement 600 voix. Malgré des dizaines de plaintes déposées pour irrégularités lors de ce vote, le National Labor Relations Board a confirmé les résultats et l'imposition de la prolongation du contrat traitre.

Il s'agit là d'un sérieux avertissement pour les travailleurs de Boeing, qui doivent se préparer dès maintenant à contrer cette campagne d'escroquerie. Les travailleurs doivent s'organiser pour exiger :

Premièrement, que leur vote de grève soit respecté et qu'une grève soit déclenchée s'ils n'ont pas approuvé d’entente d’ici la fin du 12 septembre ;

Deuxièmement, qu'aucune entente ne soit soumise au vote avant que les travailleurs n'aient eu le temps d'étudier le texte dans son intégralité, et pas seulement les faits saillants qui font l’affaire de la bureaucratie ; et

Troisièmement, le contrat peut être rejeté à la majorité simple. Les travailleurs doivent également exiger le droit à un contrôle de la base sur le processus de vote afin d'éviter toute nouvelle irrégularité.

La campagne «Sauver Boeing de lui-même» en opposition à la propriété publique

Le nouveau contrat est proposé dans le contexte de la crise la plus grave de l'histoire de la compagnie. Une campagne de réduction des coûts a conduit à une série d'accidents mortels ou quasi mortels, la dernière série de scandales ayant débuté par l'explosion d'une porte sur un avion de ligne 737-MAX 9 en janvier.

Entre-temps, les morts mystérieuses des lanceurs d’alerte John Barnett et Joshua Dean ont mis en lumière la criminalité totale de l'Amérique des affaires. La négligence criminelle de Boeing s'est même étendue à l'espace extra-atmosphérique, alors que deux astronautes sont bloqués dans la Station spatiale internationale en raison de dysfonctionnements majeurs de leur vaisseau Boeing.

Alors que les actions de Boeing sont en chute libre, le président du district 751 de l'AIMTA, Jon Holden, a déclaré que le syndicat devait être «inclus» dans la «vision d'avenir» de Boeing et que «nous devons sauver cette entreprise d'elle-même». Cela signifie que la priorité absolue de la bureaucratie syndicale est de ramener l'entreprise à la rentabilité.

Ils prétendent que cela peut se faire par le biais d'un «partenariat» corporatiste entre la direction et les travailleurs. Mais la manière dont ils tentent de faire passer un accord de capitulation montre que «sauver» Boeing sur une base capitaliste ne peut se faire qu'en faisant payer aux travailleurs le coût de la crise.

Boeing est également un entrepreneur essentiel dans le domaine de la défense. La Maison-Blanche peut difficilement se permettre une grève qui mettrait en péril la guerre par procuration en Ukraine, le génocide à Gaza et d'autres guerres criminelles.

L'administration Biden/Harris travaille en étroite collaboration avec les bureaucrates syndicaux pour sécuriser le «front intérieur», comme le résume la récente déclaration de Biden selon laquelle l'AFL-CIO est «mon OTAN nationale». Il ne fait aucun doute que la Maison-Blanche est en pourparlers étroits avec Boeing et l'AIMTA pour éviter une grève.

En fait, dans sa mise à jour contractuelle du 3 septembre, l'AIMTA a rencontré la secrétaire d'État au travail par intérim, Julie Su, «pour lui donner une idée claire de notre situation». Su a joué un rôle déterminant dans la conclusion rapide d'un accord de capitulation sur les docks de la côte ouest afin d'éviter une grève, après que les travailleurs ont commencé à mener des grèves sauvages pour protester contre le fait d'avoir été maintenus au travail pendant un an sans convention collective.

La véritable question n'est pas de rétablir le cours des actions de Boeing, mais de transformer l'entreprise en un service public sous le contrôle de la classe ouvrière. Les ouvriers et les ingénieurs de Boeing savent comment construire des avions sûrs. Le seul obstacle est l'appât du gain des dirigeants de Boeing et de ses riches actionnaires. La direction doit leur être retirée et l'entreprise doit être réorganisée sous le contrôle des travailleurs afin qu’elle puisse fonctionner dans l'intérêt de la société.

Sur cette base, sans avoir à financer des dividendes, des rachats d'actions et d'autres dépenses inutiles, il sera également possible de garantir des salaires élevés et de bonnes conditions de travail pour tous.

Avant tout, la lutte chez Boeing est une lutte internationale. Les dockers, les cheminots, les enseignants et d'autres luttent contre la criminalité des entreprises sur leur propre lieu de travail, ainsi que contre les trahisons des bureaucrates syndicaux. Les travailleurs de Boeing doivent lancer un appel en faveur d'un mouvement plus large, y compris des grèves conjointes réunissant les travailleurs de tous les secteurs, organisés par la base et non par l'appareil syndical.

Cela signifie avant tout la construction de l'Alliance ouvrière internationale des comités de base, qui comprend des comités du monde entier menant des guerres sur deux fronts contre le patronat et les trahisons syndicales, en tant que centre de coordination de l'opposition de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 4 septembre 2024)

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