Au Sri Lanka, le chef du JVP/NPP s'engage à imposer l'austérité du FMI

Lors d'une réunion du Business Forum le 4 septembre, Anura Kumara Dissanayake, candidat à la présidentielle sri-lankaise de l’alliance électorale National People's Power (NPP) dirigée par le parti Janatha Vimukthi Peramuna (JVP), a averti le président Ranil Wickremesinghe de «cesser d'essayer d'effrayer le peuple» en affirmant que l'économie du pays s'effondrerait s'il (Dissanayake) arrivait au pouvoir.

Anura Kumara Dissanayake, candidat présidentiel du NPP et leader du JVP [Photo: NPP Facebook]

Wickremesinghe, lui aussi candidat à la présidence, a tenu Dissanayake responsable de la récente chute de la bourse de Colombo, affirmant que les investisseurs craignaient que le leader du JVP/NPP ne mette fin au programme économique actuel. La politique économique de Wickremesinghe consiste à mettre en œuvre les mesures d'austérité draconiennes dictées par le Fonds monétaire international (FMI).

Le Business Forum est un groupe de petits entrepreneurs et d'industriels organisé par le NPP. Dans un long discours, Dissanayake a promis que son gouvernement poursuivrait le programme du FMI et protégerait tous les investisseurs locaux et internationaux.

Ces derniers mois, les dirigeants du JVP/NPP ont parfois déclaré qu’ils allaient «renégocier» le programme haï du FMI. Il s’agissait là uniquement de duper les travailleurs et les pauvres qui sont farouchement opposés aux mesures d’austérité. Celles-ci ont profondément aggravé les conditions de vie en augmentant le prix des produits de première nécessité et les tarifs douaniers, et ont causé le quasi-effondrement du service de santé publique.

Le discours de Dissanayake au Business Forum a dissipé tous les doutes quant à l’intention du JVP/NPP de s'écarter, même marginalement, des exigences du FMI. Ses commentaires rendent dérisoire la description faite par les médias locaux et internationaux du JVP comme d’un parti marxiste. Il est déterminé à démontrer qu'il est un instrument politique fiable et implacable et qu’il appliquera le programme de la classe capitaliste.

Un gouvernement du NPP, a déclaré Dissanayake, «ne fera rien pour déstabiliser l’économie» et chercherait bien plutôt à stabiliser, renforcer et faire avancer l’économie. Il a catégoriquement rejeté toute tentative de sortir de l’accord avec le FMI, affirmant que cela n’était pas «dans le meilleur intérêt du peuple» et qu’il garantissait « que nous ne prendrons pas une telle mesure».

Dissanayake a accepté les objectifs du FMI d'un excédent budgétaire de 2,3 pour cent du PIB à partir de 2025 et d'une réduction du ratio dette publique/PIB à moins de 98 pour cent d'ici 2032, déclarant seulement que son gouvernement discuterait avec le FMI des moyens d'atteindre les «paramètres donnés».

Une partie de l’assistance du Business Forum à Colombo le 4 septembre 2024 [Photo: Facebook/nppsrilanka]

Le JVP/NPP ne rassure pas seulement la grande entreprise du Sri Lanka, mais aussi le FMI et le capital financier international qu'il représente. Dissanayake a critiqué Wickremesinghe et Sajith Premadasa, le leader de l’alliance d’opposition Samagi Jana Balawegaya (SJB), depuis la droite, pour avoir fait des promesses concurrentes d'augmentation des salaires des fonctionnaires qui ne peuvent clairement pas être respectées dans le cadre du programme d'austérité du FMI.

La privatisation se poursuivrait, a promis Dissanayake, sauf dans un secteur clé comme l’énergie, pour des raisons de «sécurité nationale». Il a rassuré son auditoire d’hommes d’affaires en affirmant que le JVP/NPP considérait le secteur privé comme le «moteur principal de notre économie». Celui-ci avait été «immobilisé» par la corruption, les pots-de-vin et des lois obsolètes. «Nous allons les supprimer. Vous créez des entreprises, nous leurs fournissons des moyens», a-t-il déclaré.

Sous les applaudissements de l’assistance, le candidat du NPP à la présidentielle a déclaré: «Pour la première fois, votre intérêt est notre intérêt, notre intérêt est le vôtre. Nos intérêts coïncident pour la première fois.»

Il a déploré l'état de l'économie sri-lankaise, affirmant qu'en 1951, la Corée du Sud était en retard par rapport au Sri Lanka mais qu'aujourd'hui son économie avait été multipliée par 50 par rapport au Sri Lanka. En 44 ans, le Sri Lanka avait reçu 22 milliards de dollars d'investissements directs étrangers et le Vietnam 43 milliards pour la seule année dernière. Le JVP/NPP, a-t-il déclaré, porteraient le pays à ce niveau.

Le JVP/NPP affirme que tous les problèmes économiques du Sri Lanka sont le résultat de la fraude et de la corruption. En mettant fin à la «culture politique de la corruption», le pays pouvait être remis sur des bases solides avec une «économie de relance» basée sur la production. Son manifeste électoral déclare avec fantaisie: «Un pays riche! Une vie magnifique!»

Aucune référence n’est faite à l’immense crise économique mondiale qui a frappé le Sri Lanka en 2022 et l’a contraint à faire défaut sur ses dettes. Il n’y aura pas de paradis économique pour les travailleurs si Dissanayake ou l’un des autres candidats capitalistes arrive au pouvoir. Le JVP/NPP sera impitoyable dans l’imposition de nouveaux fardeaux économiques aux travailleurs et aux pauvres et dans la répression de toute opposition.

Le JVP/NPP a déjà fait savoir qu’il allait réprimer les luttes de la classe ouvrière. Son dirigeant, KD Lal Kantha, a déclaré le 1er juillet: «Nous ne pouvons pas lancer de grèves car elles sont en conflit avec les masses. Nous avons une chance d’élire un gouvernement d’un nouveau modèle à l’élection présidentielle. Les grèves sont préjudiciables à cet effort.»

Un autre dirigeant du NPP/JVP, Nalinda Jayatissa, a clairement indiqué dans une interview le 19 juillet que la collaboration de classe serait son mot d’ordre, déclarant: «Une fois que le NPP/JVP aura formé un gouvernement, le parti et le gouvernement ne feront plus qu’un, tandis que les syndicats et les patrons collaboreront.»

Le JVP/NPP a joué un rôle clé lors du soulèvement de masse d’avril-juillet 2022 en le détournant vers des voies parlementaires sûres afin de sauver le régime capitaliste. Alors que les masses se pressaient dans les rues par centaines de milliers, Dissanayake, s’exprimant au Parlement le 7 avril, a déclaré que son parti était prêt à examiner toute proposition de gouvernement intérimaire, à condition que le président Gotabhaya Rajapakse démissionne.

Alors qu’aujourd’hui il fustige Wickremesinghe, Dissanayake et le JVP/NPP se s’étaient alors alliés au SJB, avec le soutien des syndicats et du faux parti de gauche Frontline Socialist Party, pour promouvoir le slogan d’un «gouvernement intérimaire». Cela a ouvert la voie, lorsque Rajapakse a finalement fui le pays, à l’installation anti-démocratique de Wickremesinghe, un président profondément impopulaire, pro-américain et pro-FMI.

Au cours des deux dernières années, le JVP/NPP a également assuré le maintien de Wickremesinghe au pouvoir en détournant l'opposition de masse aux mesures d'austérité brutales du gouvernement vers des grèves et des manifestations ponctuelles et vaines, de pression sur le régime afin qu'il fasse des concessions.

Le candidat du Socialist Equality Party (SEP, Parti de l'égalité socialiste), Pani Wijesiriwardena, met en garde la classe ouvrière contre les énormes dangers auxquels elle est confrontée et sur la nécessité de mobiliser sa force politique et sociale pour défendre les droits sociaux et démocratiques contre tous les partis capitalistes. Dans le contexte de la profonde crise économique internationale, il n’y a pour les travailleurs et les pauvres aucune solution au sein du système capitaliste ni aucune solution nationale.

Le SEP appelle à la création de comités d’action de travailleurs sur chaque lieu de travail, indépendants de tous les partis capitalistes et des bureaucraties syndicales. Nous appelons également les masses rurales à créer des comités d’action dans leurs régions et à se rallier à la classe ouvrière en lutte.

Nous proposons la convocation d'un Congrès démocratique et socialiste des travailleurs et des masses rurales, composé de délégués de ces comités d'action pour discuter, décider et se mobiliser pour la lutte contre l'assaut de la classe capitaliste et du capital financier international, en s'unissant à nos frères et sœurs de classe à l’international.

Le SEP appelle à la répudiation de toutes les dettes extérieures, rejette totalement le programme d'austérité du FMI et lutte pour une politique socialiste. Cette lutte ouvrira la voie à l'instauration d'un gouvernement ouvrier et paysan et à la mise en œuvre d’une politique socialiste et internationaliste.

(Article paru en anglais le 12 septembre 2024)

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