Après des mois d’attaques contre les immigrants:

Le gouvernement du Québec va réduire le nombre de travailleurs temporaires

Le gouvernement de droite de la Coalition avenir Québec (CAQ) du Premier ministre François Legault entend réduire le nombre d’immigrants au Québec en ciblant l’immigration temporaire et, plus particulièrement, celle issue du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET).

L’annonce a été faite par Legault le mardi 20 août, quelques jours après la publication des conclusions d’un rapporteur spécial de l’ONU que le PTET est un «terrain propice aux formes contemporaines d'esclavage». La nouvelle politique de la CAQ ne vise en rien à améliorer les conditions de ces travailleurs qui proviennent de pays appauvris et qui sont ultra-exploités par les entreprises canadiennes.

En plus des travailleurs du PTET, les étudiants internationaux et les demandeurs d’asile fuyant la misère, la guerre et la persécution dans leur pays d’origine forment la catégorie de l’immigration temporaire.

Selon Statistique Canada, il y a environ 600.000 immigrants temporaires au Québec. Les politiciens et les grands médias capitalistes soutiennent que ce nombre dépasse la «capacité d’accueil» du Québec pour créer la fausse impression que l’immigration est un «poids» pour la société.

En réalité, les travailleurs immigrés font partie des couches les plus opprimées de la classe ouvrière. La classe dirigeante les prend pour cibles, car elle n’entend pas détourner un seul dollar des sommes quelle consacre à s’enrichir et à faire la guerre pour accueillir ces immigrants et leur offrir des conditions décentes.

Contraints de vivre dans des conditions semblables à celles d'un baraquement, les travailleurs agricoles migrants ont été durement touchés par les multiples vagues de la pandémie de COVID-19. [Photo: Migrant Workers Alliance for Change [Photo: Migrant Workers Alliance for Change ]

Legault a annoncé une suspension des nouvelles demandes et des demandes de renouvellement faites sous l’égide du PTET à compter du 3 septembre prochain, et ce pour une période de 6 mois qui pourrait être prolongée. Ce gel s’appliquera dans la région de Montréal pour les emplois offrant des salaires inférieurs à 57.000$.

Le PTET étant une source de main-d’œuvre essentielle – et bon marché – dans bien des secteurs de l’économie, Legault a cherché à ne pas trop importuner le patronat en assortissant la suspension d’exemptions pour des domaines «stratégiques» comme la santé, l’éducation, la construction, l’agriculture et la transformation alimentaire. Selon le gouvernement, cette mesure va réduire le nombre d’immigrants à Montréal d’environ 3.500 personnes sur six mois.

Legault a aussi indiqué qu’un projet de loi serait déposé à l’Assemblée nationale à l’automne pour limiter le nombre d’étudiants étrangers. Ils sont environ 120.000 à étudier dans les universités et les cégeps québécois.

Ces mesures représentent une nouvelle escalade de la campagne anti-immigrants menée par la classe politique. Face à une remontée de la lutte de classe attisée par ses politiques réactionnaires – réponse désastreuse à la COVID-19, austérité et mesures pro-patronales –, le gouvernement Legault a recours à une arme idéologique privilégiée par la bourgeoisie en temps de crise: la diabolisation des immigrants.

Dès son arrivée au pouvoir en 2018, la CAQ a présenté les immigrants et les membres des minorités religieuses, particulièrement les musulmans, comme une menace existentielle à l’identité et à la culture québécoises, adoptant une loi xénophobe et discriminatoire sur la supposée «laïcité de l’État». Elle a aussi imposé une série de mesures nationalistes chauvines, dont un renforcement de la Charte de la langue française qui discrimine la minorité anglophone.

Lors de la campagne électorale de l’automne 2022, Legault a associé les immigrants au crime – une provocation caractéristique du candidat fasciste à la présidentielle américaine Donald Trump. Celui qui était alors le ministre du Travail et de l’Immigration, Jean Boulet, a affirmé durant un débat que «80% des immigrants [ne] travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise».

Depuis le printemps, la classe politique a haussé le ton en présentant l’immigration comme un «complot» ourdi par le gouvernement libéral-fédéral de Justin Trudeau pour «noyer» le Québec dans une mer d’immigrants anglophones – une version québécoise de la théorie d’extrême droite du «Grand remplacement». Cette campagne hystérique a été initiée par le Journal de Montréal, un tabloïd de droite propriété du multimilliardaire et ancien chef du Parti québécois (PQ) Pierre-Karl Péladeau.

Le gouvernement Trudeau – contrairement à l’image progressiste que ses alliés du NPD, de la bureaucratie syndicale et de la pseudo-gauche tentent de lui donner – est lui aussi hostile aux immigrants.

Il a renégocié l’accord des pays tiers sûrs avec les États-Unis et fermé le chemin Roxham afin d’empêcher les demandeurs d’asile fuyant les politiques anti-immigrants de l’administration Biden d’entrer au Canada. Le jour de l’annonce de Legault sur la réduction de l’immigration temporaire, le gouvernement fédéral a confirmé qu’il avait «approuvé la proposition» de Québec et qu’il entendait s’en inspirer pour «apporter des modifications au PTET».

La classe politique multiplie les dénonciations des immigrants comme les principaux responsables des problèmes sociaux, de la crise du logement à l’itinérance en passant par le manque criant de personnel dans les écoles et l’état pitoyable du système public de santé. Ces problèmes sont en réalité le fruit du système capitaliste en faillite.

Reprenant tous les thèmes de cette campagne anti-immigrants, Legault a justifié les mesures annoncées mardi dernier par la nécessité de «protéger le français» et de «protéger nos services publics et réduire la pression sur le logement».

Illustrant la complicité de toute l’élite dirigeante, les partis d’opposition ont attaqué Legault par la droite.

Paul St-Pierre Plamondon, le chef du PQ, un parti dont les positions et le discours ultranationalistes sont de plus en plus inspirés de l’extrême droite, a organisé une conférence de presse à l’Assemblée nationale pour décrier l’insuffisance de «l’annonce minime» de Legault et promettre le dépôt à l’automne d’un plan de réduction «drastique» de l’immigration. Faisant la promotion du projet réactionnaire de l’indépendance du Québec, St-Pierre Plamondon a ajouté que le gouvernement libéral-fédéral «sabote» le Québec en matière d’immigration.

Ne voulant pas être en reste, Québec solidaire, un parti de la pseudo-gauche de plus en plus discrédité en raison de son appui à la campagne xénophobe de l’élite dirigeante, a aussi critiqué Legault pour ne pas avoir suffisamment réduit le nombre d’immigrants. Son porte-parole en matière d’immigration, l’avocat Guillaume Cliche-Rivard, a déclaré que l’annonce de Legault était une «mesure improvisée et inadéquate». En mai dernier, Cliche-Rivard s’était porté à la défense du PQ en affirmant que le parti «n’est pas intolérant sur le dossier de l’immigration». Et il avait confirmé le soutien de son parti aux politiques anti-immigrants en écrivant sur Twitter\X que «Québec solidaire suggère lui-même une réduction de l’immigration temporaire».

La frénésie anti-immigrants qui s’est emparée de l’élite dirigeante au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde est une réaction à la crise du système capitaliste et à l’opposition que ses politiques d’austérité, de guerre et d’assaut sur les droits démocratiques suscitent dans la classe ouvrière internationale.

Comme l’a expliqué Eric London au dernier congrès du Parti de l’égalité socialiste (États-Unis):

Au cours de la période récente, la classe dirigeante de tous les pays impérialistes a adopté une stratégie de chauvinisme anti-immigrants effréné comme fer de lance de la réaction politique intérieure. Aujourd'hui, en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne, en Italie, au Japon, au Canada et aux États-Unis, c'est le mécanisme par lequel la classe dirigeante justifie l'expansion massive des pouvoirs de police de l'État, divise la classe ouvrière de plus en plus interconnectée et mondialisée, fait des opprimés les boucs émissaires des crimes du capitalisme et contribue à la création d'un climat culturel d'arriération nationale nécessaire à la guerre impérialiste.

Les attaques venimeuses, le renforcement de l’appareil répressif de l’État et la promotion des forces d’extrême droite qui visent aujourd’hui les immigrants seront, demain, utilisés par la classe dirigeante pour réprimer la classe ouvrière dans son ensemble.

Il est impératif que les travailleurs conscients rejettent la campagne anti-immigration de l’élite dirigeante et sa tentative de les diviser sur la base de la nationalité ou de l’origine ethnique, en faisant de la défense des travailleurs immigrés un élément central de la lutte pour l'unité internationale de la classe ouvrière contre le capitalisme en faillite.

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