Rapport au huitième congrès national du SEP (États-Unis)

La lutte du Parti de l’égalité socialiste pour bâtir l’Alliance ouvrière internationale des comités de base, de 2022 à 2024

Nous publions ici le rapport au huitième congrès du Parti de l’égalité socialiste (États-Unis) présenté par Tom Hall. Le congrès s’est tenu du 4 au 9 août 2024. Il a adopté à l’unanimité deux résolutions, «Les élections américaines de 2024 et les tâches du Parti de l’égalité socialiste» et «Libérez Bogdan Syrotiuk!»

L'objet de mon intervention d'aujourd'hui est un bilan des interventions du parti dans la lutte des classes au cours des deux dernières années. Mon rapport retracera les principaux éléments de notre intervention en passant en revue quelques-unes des luttes les plus importantes – bien que l'intervention du parti dans l'industrie automobile sera traitée séparément dans un rapport du camarade Jerry White.

Il n'est pas exagéré de dire que les quatre dernières années, et la période qui a suivi le Congrès de 2022 en particulier, ont vu l'un des plus grands développements de l'influence du mouvement trotskiste dans la classe ouvrière de l'histoire. Un élément central de cette évolution a été l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC). Sa présence s'est considérablement accrue, des comités ayant été formés au cours de luttes importantes, non seulement aux États-Unis, mais dans tous les pays où le Comité international est actif.

Mais la classe dirigeante ne répond pas à la menace croissante de la révolution sans réagir. Le capitalisme américain mène une lutte unifiée à l'échelle mondiale, dans laquelle l'objectif de conquérir ses rivaux stratégiques que sont la Russie, la Chine et l'Iran est intégré aux attaques contre la classe ouvrière, tant aux États-Unis que dans le reste du monde.

Ce n'est que dans ce contexte que l'on peut comprendre la politique du travail de l'administration Biden. Comme nous l'avons expliqué à maintes reprises, Biden cherche à capitaliser sur les relations qui existent déjà depuis longtemps entre la bureaucratie, l'État et la direction des entreprises pour développer une alliance corporatiste en vue de la guerre contre les ennemis de l'impérialisme américain, tant à l'étranger qu'à l'intérieur du pays. Biden a très bien résumé la situation en juillet, lorsqu'il a qualifié l'AFL-CIO d'«OTAN nationale».

Le président Joe Biden s’exprime lors d’une visite aux bureaux de l’AFL-CIO à Washington, le mercredi 10 juillet 2024. Il est flanqué de la présidente de l’AFL-CIO, Liz Shuler.

Retour sur le Congrès 2022

Ce serait une erreur de sous-estimer le caractère impitoyable de la bourgeoisie, en particulier dans les périodes où son pouvoir est le plus menacé. Mais ne voir dans la situation actuelle que les machinations de Washington et considérer la classe dirigeante comme un bloc monolithique et tout-puissant serait une erreur profondément dangereuse. Les mêmes processus qui ont conduit la classe dirigeante au bord du gouffre conduisent également la classe ouvrière à la révolution socialiste.

Lors de notre dernier congrès, le camarade Eric London a présenté un rapport détaillé passant en revue les différentes caractéristiques de la situation mondiale qui rendent possible l'émergence d'un mouvement socialiste révolutionnaire de masse dans la classe ouvrière. Pour gagner du temps, je ne citerai pas longuement son discours, mais London s'est référé à quatre éléments fondamentaux. Il s'agit de :

  • Tout d'abord, l'énorme croissance de la taille et des connexions internationales de la classe ouvrière, qui est devenue la majorité absolue de la population mondiale pour la première fois dans l'histoire.

  • Deuxièmement, l'opposition croissante à l'inégalité sociale parmi les travailleurs, qui se sont radicalisés politiquement à mesure qu'ils se heurtaient à l'hostilité et à la répression des autorités, donnant lieu à ce que l'on appelle les «manifestations omnibus».

  • Troisièmement, le déclin du poids social de l'appareil syndical et l'émergence d'Internet et de moyens de communication échappant à leur contrôle.

  • Quatrièmement, l'opposition inévitable à la vague d'austérité mondiale, motivée par l'accumulation massive de dettes publiques, qui a atteint son paroxysme à la suite des renflouements au début de la pandémie.

Comment avons-nous anticipé le déroulement de la lutte des classes de 2022 à 2024 ? Nous l'avons expliqué dans notre résolution du Congrès sur l'IWA-RFC :

27. Les conditions objectives sont mûres pour le réveil politique révolutionnaire de la classe ouvrière américaine dans le cadre du mouvement croissant de la classe ouvrière mondiale. [...] la solution à la crise de la société américaine ne viendra pas par le système sclérosé du bipartisme, mais par la construction d'un mouvement de masse de la classe ouvrière contre celui-ci. Toutefois, la réalisation du potentiel révolutionnaire de ce mouvement dépend de l’activité du SEP.

Nous avons expliqué le rôle spécifique de l'IWA-RFC dans cette lutte :

9. Si l'IWA-RFC ne remplace pas le parti révolutionnaire, il n'est pas non plus un simple instrument des luttes syndicales conventionnelles. Son objectif est de faciliter le développement d'un mouvement qui échappe au contrôle de l'appareil corporatif de l'AFL-CIO et de libérer l'énorme pouvoir social de la classe ouvrière américaine. [...]

10. [...] Le développement d'un mouvement insurrectionnel contre l'AFL-CIO soulèvera nécessairement des questions historiques et politiques. Le SEP doit s'efforcer d'introduire les leçons des expériences historiques de la classe ouvrière internationale dans ces luttes de façon à élever le niveau politique et culturel de la classe dans son ensemble et créer les conditions pour le développement de la conscience socialiste.

Les deux dernières années ont entièrement confirmé cette perspective. Mais cette «confirmation» n'est pas simplement le résultat d'une contemplation passive d'un monde extérieur qui, laissé à lui-même, nous a donné «raison».

Ce n'est que par la décision du parti d'agir sur les possibilités existantes qu'il a été possible de prouver la justesse de notre évaluation en luttant pour changer le cours des événements. Rien de ce que le parti a réalisé au cours des deux dernières années n'était simplement «destiné» à se produire. À un moment donné, le parti a identifié les possibilités qui existaient, a organisé une réponse par l'intermédiaire des cadres du parti, et un travail acharné a été réalisé.

S'il est une chose que nous devons retenir de notre travail de ces deux dernières années, c'est le rôle critique du facteur conscient du parti en tant qu'élément décisif de la situation objective.

La lutte des cheminots

Travailleur d’entretien des voies de l’Union Pacific

L'une des luttes les plus importantes du parti au cours des deux dernières années a été son intervention dans la lutte de 120.000 cheminots.

Dès le départ, la lutte des cheminots a été une lutte contre le gouvernement. Les travailleurs du rail sont soumis à la loi sur le travail dans les chemins de fer (Railway Labor Act), dont l'objectif est d'interdire les grèves dans les secteurs des chemins de fer et des compagnies aériennes. En janvier 2022, un juge fédéral a émis une injonction à l'encontre des travailleurs de BNSF, les empêchant de faire grève contre la nouvelle politique «Hi Viz». Il a justifié sa décision par le soi-disant «intérêt national».

Le rôle de la bureaucratie syndicale était d'aider à mettre en œuvre ce que Eugene Debs avait appelé «le gouvernement par injonction». Même après le vote de grève quasi unanime de l'été, les syndicats ferroviaires ont demandé à Biden de nommer un conseil présidentiel d'urgence (PEB) pour aider à imposer un accord. Ils ont affirmé aux travailleurs que la médiation du gouvernement obligerait les chemins de fer à accorder des concessions majeures.

En fin de compte, c'est exactement le contraire qui s'est produit. Comme il l'avait fait des centaines de fois auparavant, le PEB a émis des recommandations qui donnaient raison aux chemins de fer sur pratiquement tous les points. Les travailleurs n'ont même pas obtenu de congés de maladie dans le cadre de l'accord proposé.

Cela a provoqué une éruption de colère de la part de la base. Mais nous ne nous sommes pas contentés d'encourager cette colère. Nous avons cherché à éduquer la classe ouvrière sur des questions fondamentales.

Au cours des audiences du PEB, les avocats des chemins de fer ont affirmé de manière très provocante que, bien que le secteur soit l'un des plus rentables du pays, les travailleurs n'ont pas droit à une part de cette valeur car, selon eux, «ce sont les investissements en capital et les risques qui sont à l'origine de leurs bénéfices, et non une quelconque contribution des travailleurs».

Le parti en a profité pour expliquer scientifiquement l'origine de la plus-value dans l'exploitation de la classe ouvrière et, sur cette base, la nécessité d'un programme socialiste. Dans un article important, nous avons passé en revue ce que Marx a écrit à ce sujet dans le volume 1 du Capital.

Cet article concluait en soulignant en particulier les implications sociales du renflouement de Wall Street à hauteur d’un millier de milliards de dollars en 2020 :

Cette valeur doit encore être payée par une intensification massive de l'exploitation des travailleurs.

Si la situation des travailleurs aux États-Unis et dans le monde entier s'est dégradée au cours des quatre dernières décennies, la loi de la plus-value contraint la classe capitaliste à l'aggraver encore, en réduisant les travailleurs à l'état d'esclaves industriels [...] À cela s'ajoute une nouvelle vague de pillage impérialiste, avec l'acquisition par la force de nouveaux marchés et de nouvelles sources de matières premières aux dépens de ses principaux rivaux, la Russie et la Chine.

[...] Les cheminots doivent tirer les conclusions qui s'imposent. Ils ne sont pas seulement engagés dans une lutte pour des «salaires équitables» contre des sociétés de chemins de fer particulièrement avides, mais contre le système d'exploitation capitaliste lui-même. Les compagnies ferroviaires elles-mêmes, en paroles et en actes, le prouvent.

En octobre, le WSWS a également publié un important profil d'Eugene Debs, écrit par le camarade Tom Mackaman. Il s'agissait d'informer les cheminots sur leur propre histoire, non seulement sur les batailles explosives de la fin du 19e et du début du 20e siècle, mais aussi sur le rôle central que le mouvement socialiste a toujours joué dans la lutte des cheminots.

Eugene Debs durant son fameux discours anti-guerre de Canton en 1918

Le Comité de base des cheminots

Le 1er septembre, avec l'aide du parti, des travailleurs du rail ont fondé le Comité de base des cheminots (CBC). La déclaration fondatrice du comité est un document programmatique important. Elle explique l'objectif du comité dans les termes suivants :

Le comité sera un moyen de communication pour élaborer une stratégie et des actions communes en dehors du contrôle ou des yeux indiscrets des bureaucrates syndicaux et des informateurs des entreprises, et pour faire appel au soutien le plus large possible des travailleurs dans tout le pays et dans le monde entier. Cela nous placera dans la position la plus puissante possible pour faire échouer toute tentative d'injonction, de représailles de la part de la direction et d'autres mesures visant à briser la grève.

En particulier, le CBC a posé comme revendication centrale une grève nationale conformément au vote de grève quasi-unanime. Il a souligné que les travailleurs devaient forcer la situation en s'organisant eux-mêmes pour imposer leur volonté, sans attendre la bureaucratie qui empêchait délibérément le déclenchement d’une grève.

Dès le début, le Comité a cherché à mettre en évidence le caractère politique de la lutte :

Les responsables syndicaux tenteront sans doute de nous effrayer en disant que le Congrès interviendra contre une grève. Il est certainement vrai que le Congrès tentera d'émettre une injonction. Mais cela ne fait que mettre à nu la faillite totale de l'orientation des syndicats vers le gouvernement, le Parti démocrate et l'administration Biden [...]

Nous devons plutôt faire appel au soutien des dockers, des travailleurs des raffineries, des dizaines de millions de travailleurs dans tout le pays qui luttent contre les mêmes choses que nous.

Il a aussi expliqué que le comité fait partie de l'IWA-RFC et souligne le caractère international de la lutte :

De plus en plus, les travailleurs se battent en défiant les gouvernements. Au Sri Lanka, les manifestations de centaines de milliers de travailleurs contre le coût de la vie ont contraint le président du pays à démissionner. Washington est terrifié par notre lutte, car il sait qu'elle pourrait donner naissance à un mouvement similaire aux États-Unis.

La force du comité résidait dans le fait qu'il s'agissait de la seule tendance active parmi les cheminots avec une orientation et une perspective correctes. Ce facteur crucial a été fourni par le parti, qui cherchait à tout moment à donner une articulation consciente aux aspirations spontanées des cheminots.

Le parti et le CBC ont été le principal facteur du rejet initial des ententes calquées sur ce que demandait le PEB. Cela a créé une crise non seulement pour les bureaucrates, mais aussi pour le gouvernement qui est intervenu directement pour conclure un accord avant la date limite de grève du 15 septembre.

Ce matin-là, Joe Biden et les négociateurs des syndicats et des chemins de fer se sont félicités lors d'une conférence de presse dans la roseraie de la Maison-Blanche pour un travail bien fait. Ils étaient loin d'imaginer que, dans quelques semaines, les travailleurs allaient faire échouer la tentative d'imposer un accord au moyen de l'écran de fumée de la «négociation collective».

À partir de ce moment-là, les dispositions de la RLA ayant expiré, la bureaucratie syndicale est devenue le principal moyen par lequel la bourgeoisie a bloqué les mouvements de grève. Le travail du comité durant cette période s'est concentré sur la préparation des travailleurs à une rébellion qui déclencherait une grève au mépris de la bureaucratie, en créant les meilleures conditions possible pour qu'ils puissent mettre en échec une injonction anti-grève.

Le travail du comité a également consisté à dénoncer les violations des droits démocratiques des travailleurs, notamment le bourrage des urnes par la Fraternité internationale des travailleurs de l'électricité (FIOE) et la Conférence nationale des pompiers et des pétroliers. Le CBC a mené une enquête auprès des membres de la FIOE qui a fourni la preuve empirique qu'une grande partie des membres s'était vu refuser le droit de voter sur la convention collective.

Pour galvaniser l'opposition et défendre leur programme, les membres du CBC ont organisé une série de piquets d'information dans les principales gares de triage, notamment à Kansas City, Lincoln, Nebraska et Baltimore.

Piquet d’information organisé par des cheminots à Kansas City, au Kansas

Le comité a également organisé des réunions en ligne à grande échelle. Bien qu'elles aient été organisées dans des délais très courts en réponse à des événements de dernière minute, elles ont attiré des centaines de cheminots, dont une réunion à laquelle 500 personnes ont assisté à la veille de la date limite de la grève.

À la fin de cette réunion, le camarade David North a donné une explication cruciale sur les comités de base qui cherchaient à relier cette initiative aux traditions révolutionnaires et démocratiques des États-Unis.

Comparant les comités de base aux comités de correspondance fondés par les colons lors de la révolution américaine, il a déclaré :

C'est ainsi qu'est né le Congrès continental, une nouvelle forme d'organisation visant à rassembler des personnes vivant sur un vaste territoire pour organiser leur résistance au pouvoir de la Couronne, afin qu'elles puissent s'informer et formuler leur propre politique.

Vous avez un pouvoir énorme si vous savez l'utiliser [...] mais ce que vous devez faire en premier lieu, c'est, dans chaque lieu de travail, mettre en place une structure alternative de sorte que lorsque vous apprenez que vous avez été trahis, tout n’est pas fini. [Vous devez créer les moyens] d'annuler et de contrecarrer la décision des apparatchiks qui sont au service de vos ennemis.

La bureaucratie prenait très au sérieux le travail du comité. Lors de la convention nationale de la Brotherhood of Locomotive Engineers and Trainmen, qui fait partie du syndicat Teamsters, Sean O'Brien a prononcé un discours nerveux demandant aux travailleurs d'arrêter de «se plaindre» à des «agents extérieurs» et de garder leurs griefs «à la table», c'est-à-dire sous le contrôle interne de la bureaucratie.

Tony Cardwell, président de la Brotherhood of Maintenance of Way Employes, qui fait également partie des Teamsters, a publié une déclaration dénonçant les «groupes marginaux anonymes» qui ont des «idées dangereuses d'arrêts de travail non sanctionnés».

La commission a réagi avec force à cette déclaration par une lettre ouverte :

Vous accusez le CBC d'être un groupe «marginal». C'est vous qui êtes marginal, Cardwell, pas nous. Nous avons voté la grève et le rejet de vos ententes pourries. Nous, les travailleurs, sommes 1000 fois plus nombreux que vous. Le CBC a été créé pour donner une voix et une organisation aux travailleurs des chemins de fer contre les tentatives de nous faire taire bureaucratiquement [...]

Cardwell, au nom de nos 120.000 collègues, nous vous donnons les instructions suivantes : si vous n'êtes pas disposé à vous conformer à la volonté des membres, alors dégagez.

En fin de compte, la bureaucratie a réussi à gagner suffisamment de temps pour que Biden et le Congrès adoptent une interdiction de grève à la fin du mois de novembre. Mais pour la bourgeoisie, il s'agit d'une victoire à la Pyrrhus. Elle a mis à nu les prétentions intéressées de la Maison-Blanche à être l'administration la plus «pro-syndicale» de l'histoire des États-Unis, ainsi que l'ensemble du cadre de contrôle du travail sur lequel reposait la véritable politique du gouvernement.

La pseudo-gauche, en particulier Bernie Sanders et les Socialistes démocrates d'Amérique (DSA), s'est totalement démasquée. Elle a joué un rôle crucial dans les manœuvres parlementaires visant à obtenir rapidement l'interdiction de la grève, et Ocasio-Cortez et d'autres membres des DSA du Congrès ont même voté en faveur de l'interdiction elle-même. Cela a produit une immense crise au sein de cette organisation, intensifiée par notre analyse incessante de la signification du vote du point de vue de leur orientation de classe.

Les sections les plus avancées des cheminots ont vécu cette expérience consciemment grâce à l'intervention du parti.

Après l'interdiction de la grève, le parti a poursuivi son travail dans l'industrie ferroviaire. Quelques mois plus tard, en février 2023, le déraillement et le déversement de produits chimiques toxiques à East Palestine, dans l'Ohio, ont mis en évidence l'état déplorable de l'infrastructure ferroviaire, qui est le résultat d'une réduction incessante des coûts. Il s'agit d'un crime social qui découle directement de l'interdiction de la grève, dans laquelle la sécurité aurait été une question clé.

Le Parti démocrate, quant à lui, ne pouvait guère dissimuler son indifférence totale, Biden ne se rendant dans la ville qu'un an plus tard. Entre-temps, le parti est intervenu de manière significative, notamment en effectuant de nombreuses visites dans la ville elle-même et en interrogeant les habitants.

La contre-offensive de la bourgeoisie

À la fin de l'année 2022, la classe dirigeante a lancé une contre-offensive contre la montée de la lutte des classes. La décision de la Réserve fédérale d'augmenter les taux d'intérêt, qui sont passés de près de zéro au début de 2022 à plus de 5 % en mai 2023, a constitué un tournant important.

Cette démarche s'inspirait sciemment du «choc Volcker» de la fin des années 1970, qui avait délibérément déclenché une récession dans le secteur manufacturier au nom de la lutte contre une soi-disant «spirale prix-salaires» : en réalité, il s'agissait d'utiliser le chômage de masse comme arme contre la croissance des grèves en opposition à l'impact d'une forte inflation.

Le revers de cette politique monétaire est l'alliance corporatiste de la bureaucratie syndicale avec la Maison-Blanche pour bloquer les grèves et imposer la capitulation. À la fin de l'année 2022, la croissance des salaires des travailleurs non syndiqués était supérieure à celle des travailleurs syndiqués.

Rapport Challenger sur les suppressions d’emplois annoncées, de janvier 2021 à juillet 2024

Ces politiques ont commencé à porter «leurs fruits» sous la forme de licenciements collectifs, qui se sont accélérés au cours de l'année 2023. Selon les chiffres mensuels du cabinet d’aide à la reconversion Challenger, Gray and Christmas, le rythme des licenciements a atteint ses plus hauts niveaux depuis la Grande Récession, et plus d'un million de suppressions ont été annoncées depuis le début de l'année dernière.

L'attaque contre les travailleurs est allée de pair avec les politiques de guerre de l'impérialisme américain. Au cours de la lutte ferroviaire de 2022, la convention collective de plus de 20.000 dockers de la côte ouest a également expiré.

Soulignant les implications essentielles des docks en matière de «sécurité nationale», Biden a évoqué les négociations cet été-là depuis le pont de l'USS Iowa, un cuirassé de l'époque de la Seconde Guerre mondiale amarré dans le port de Los Angeles. Le syndicat ILWU (International Longshore and Warehouse Union) a maintenu les dockers au travail sans convention collective pendant plus d'un an, les isolant délibérément d'abord des travailleurs du rail, puis de ceux d'UPS.

Le président Joe Biden, flanqué du secrétaire au Travail Marty Walsh, parle d’une entente de principe dans le rail, à la Maison-Blanche à Washington, le 15 septembre 2022.

Lorsque les travailleurs ont commencé à défier cette injonction de facto par des grèves sauvages, l'ILWU a réagi en proposant subitement une convention collective aux travailleurs. Cet accord a été négocié avec l'aide cruciale de la secrétaire d'État au travail par intérim, Julie Su, qui avait pris ses fonctions après le départ du précédent secrétaire d'État au Travail, Marty Walsh, ancien bureaucrate syndical et ex-maire de Boston.

La lutte chez UPS

La bureaucratie des Teamsters et le président général du syndicat, Sean O'Brien, ont joué un rôle clé dans la réponse du gouvernement à la lutte des cheminots en 2022. L'année suivante, ils ont mené de vastes manœuvres pour empêcher une grève de 340.000 travailleurs chez UPS. Cette action s'inscrivait dans le cadre d'une stratégie élaborée des années à l'avance, après que la dernière convention collective a été adoptée à toute vapeur en 2018, malgré un vote majoritairement négatif.

Consciente de l'immense colère de la base face à cette trahison, une partie de la bureaucratie a présenté O'Brien, bureaucrate de carrière et voyou notoire, comme candidat soi-disant «réformateur» aux élections syndicales de 2021. La pseudo-gauche a joué un rôle clé dans cette opération, les Teamsters pour un syndicat démocratique blanchissant son passé et entrant dans sa nouvelle administration en tant que membre de son équipe.

En fait, O'Brien a été «élu» lors d'un vote entaché par le taux de participation le plus bas de l'histoire des Teamsters, soit environ 15 %. En fait, il s'agissait du taux de participation le plus bas pour une élection syndicale dans l'histoire des États-Unis, jusqu'à la participation de 9 % à l'élection de l'UAW l'année suivante.

Chez UPS, la bureaucratie des Teamsters a prétendu mener une «campagne de préparation à la grève», afin de pouvoir présenter l'accord qu'elle avait déjà conclu avec la direction comme le produit de la pression exercée par la base.

Cette démarche s'inspirait fortement de la stratégie de la défunte consultante syndicale Jane MacAlevey, une ancienne organisatrice du SEIU qui entretenait les liens les plus étroits avec Labor Notes et les DSA, et qui occupait un poste d'enseignante au sein du programme d'études sur le travail de l'UCLA. Il faudra écrire davantage sur son rôle dans un avenir proche. Mais ce sur quoi elle insistait essentiellement était la nécessité de créer des mécanismes pour donner l'impression d'une participation démocratique de la base, sans lui donner un contrôle réel sur le processus.

Par exemple, MacAlevey préconisait ce qu'elle appelait des «campagnes contractuelles», adoptées par les Teamsters, au cours desquelles les représentants syndicaux allaient intervenir dans la base avec des pétitions, des sondages, des «simulations de piquets de grève», etc. Elle préconisait également des «sessions de négociation ouvertes», au cours desquelles les travailleurs pourraient assister aux discussions, mais uniquement sous la stricte discipline de la bureaucratie. Lorsque la nature sensible des négociations a rendu cette solution impraticable, les Teamsters ont adopté une version modifiée en faisant appel à des membres de l'équipe de négociation «de la base», en réalité des fonctionnaires locaux de bas niveau triés sur le volet et des travailleurs entretenant des liens étroits avec l'appareil bureaucratique.

Le SEP a travaillé systématiquement pour dénoncer ces manœuvres. Au cours de l'été, nous avons contribué à la création du Comité de base des travailleurs d'UPS. Dans sa déclaration fondatrice, il expliquait :

Tout indique qu'en dépit de la rhétorique officielle, nous avons affaire à la même vieille bureaucratie des Teamsters qui viole nos droits et impose la capitulation. La seule réponse doit être de nous organiser, non pas pour «soutenir» le comité de négociation et l'encourager, mais pour faire respecter notre volonté démocratique et nous positionner de manière à contrer l'inévitable capitulation.

Le comité a formulé des demandes visant à assurer un véritable contrôle des travailleurs sur les négociations, y compris une transparence totale des négociations, l'établissement de revendications de la base qui devaient être satisfaites et la préparation par les travailleurs eux-mêmes d'une grève que les Teamsters n'avaient pas l'intention de déclencher.

Lorsqu'elle a finalement été annoncée, l’entente était loin de répondre aux demandes des travailleurs. Le salaire de départ des travailleurs à temps partiel n'atteindrait que 21 dollars de l'heure et resterait inchangé pendant la majeure partie de la durée de la convention collective. L'entreprise ne s'engageait à créer que quelques milliers d'emplois à temps plein et à geler les cotisations de retraite dans la majeure partie du pays. La promesse d'un système de climatisation ne s'appliquait qu'aux nouveaux véhicules, à condition que l'entreprise les maintienne en service pendant des dizaines d'années.

Le comité de base d'UPS a mené une campagne vigoureuse contre l’entente, mais il a souligné qu'un vote négatif n'était pas suffisant. Comme l'expliquait une déclaration :

Mais les bureaucrates ne verront pas la lumière et ne proposeront pas quelque chose de mieux si nous rejetons le contrat. Ils essaieront de nous faire revoter, ou pire, iront voir Biden pour obtenir une injonction. Par conséquent, le «non» doit être le point de départ pour que la base construise des structures alternatives échappant au contrôle de la bureaucratie, afin de transférer le pouvoir à la base, là où il doit être.

Le comité se distinguait ainsi d'autres groupes tentant de créer une deuxième version du groupe TDU, dont Teamsters Mobilize, fondé avec le soutien de l'historien de TDU Joe Allen et de responsables locaux. Ces groupements, dont certains anciens membres de TDU mécontents de l'appui accordé à O'Brien, affirmaient qu'un vote négatif enverrait un message à la bureaucratie qu'elle devrait respecter. Leur fonction était d'agir comme une deuxième ligne de défense dans des conditions où TDU lui-même commençait à s'effondrer.

La bureaucratie et la pseudo-gauche ont reconnu le WSWS et le comité de base des travailleurs d’UPS comme la principale menace. Un commentaire particulièrement révélateur paru dans Newsweek attaquait le WSWS en tant que «complexe intellectuel-industriel» et «activistes de salon» qui menaçaient la ratification de l’entente et appelaient les travailleurs à «se débarrasser de leur syndicat». L'auteure, Jill Dunson, se présentait comme une employée à temps partiel d'UPS, mais était en réalité l'un des membres dits «de la base» du comité national de négociation.

Lorsque nous avons demandé la possibilité de répondre, Newsweek a accepté. La réponse que j'ai rédigée au nom du WSWS répondait à ces calomnies. De manière cruciale, nous avons conclu en défendant notre politique socialiste, expliquant que «les travailleurs y sont de plus en plus réceptifs» alors que l'hostilité de la bureaucratie au socialisme exprime sa défense de l'inégalité.

La décision de publier notre réponse, selon toute norme journalistique objective, était amplement justifiée. Mais elle était remarquable parce qu'elle contrastait avec la politique de longue date de la presse bourgeoise consistant à ignorer le WSWS.

Cela ne signifiait pas que Newsweek avait soudainement embrassé le socialisme ou cessé d'être un média bourgeois. Mais il s'agissait d'une reconnaissance claire du fait que le parti s'exprimait au nom de tendances sociales très puissantes, que la bourgeoisie elle-même ne pouvait ignorer qu'à ses risques et périls.

La convention collective chez UPS a été ratifiée dans des circonstances douteuses, les travailleurs soupçonnant une fraude généralisée. En fait, tout le vote était frauduleux, car les Teamsters ont dissimulé le fait que l'accord donnait le feu vert à des licenciements prévus de longue date.

En l'espace de quelques semaines, les travailleurs ont commencé à signaler que des équipes entières étaient licenciées dans les entrepôts d'UPS. Seuls le comité de base d'UPS et le WSWS ont cherché à informer les travailleurs de ce qui se passait, les avertissant qu'il ne s'agissait pas simplement de réductions saisonnières comme le prétendaient les Teamsters, mais d'une attaque globale contre l'emploi utilisant l'automatisation comme arme principale.

En janvier de cette année, le comité de base d'UPS a publié une déclaration intitulée «Le massacre des emplois par l'automatisation est en cours chez UPS : sept faits que les travailleurs doivent connaître». Cette déclaration expliquait que l'entreprise ouvrait déjà des installations automatisées susceptibles d'éliminer 80 % des postes d’entrepôts de l'entreprise.

UPS l'a confirmé lors d'une réunion d'investisseurs en mars, au cours de laquelle elle a présenté son initiative «Réseau du futur», qui vise à fermer ou à automatiser 200 installations.

En réponse, le comité de base a demandé, non pas l'abolition des nouvelles technologies permettant d'économiser du travail, mais le contrôle des travailleurs sur la production afin que ces technologies puissent être utilisées pour alléger le fardeau du travail et améliorer la qualité de vie des travailleurs. Une déclaration faite en avril demandait que les gains d'efficacité réalisés grâce à l'automatisation soient utilisés pour réduire les heures de travail sans perte de salaire, pour embaucher des travailleurs à temps partiel à des postes à temps plein, pour améliorer la santé et la sécurité et pour réduire l'âge de la retraite.

Par cette réponse, le parti a commencé à présenter, dans ses grandes lignes, le système de travail socialiste. Il a lié ces revendications à une demande de propriété publique d'UPS, sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière.

La lutte dans les postes

De nombreuses questions similaires ont été soulevées dans le cadre de la lutte en cours au sein de la poste américaine (USPS). Dans le cadre d'un nouveau programme de restructuration intitulé «Delivering for America», USPS vise à fermer des milliers de bureaux de poste locaux et à supprimer au moins 60.000 emplois. La direction utilise de nouvelles formules de rémunération pour réduire les salaires des facteurs ruraux de plusieurs dizaines de milliers de dollars. Les facteurs urbains sont soumis à de nouveaux systèmes de surveillance invasifs et une automatisation similaire à celle d'UPS est en cours d'introduction dans le cadre d'une refonte du réseau postal. L'objectif final est de privatiser entièrement la poste, un objectif politique de la bourgeoisie qui remonte à Richard Nixon.

Les travailleurs des postes entrent en lutte partout dans le monde

Notre couverture a suscité une énorme réaction de la part des travailleurs postaux, ce qui a conduit à la formation du comité de base des travailleurs des postes en septembre dernier. L'une de ses principales déclarations était une explication détaillée du programme «Delivering for America», dont les véritables objectifs étaient dissimulés par la bureaucratie syndicale.

L'intervention du parti dans les bureaux de poste a été, sous une forme manifeste, une lutte internationale. Les bureaux de poste nationaux sont supprimés dans le monde entier et le parti a contribué à la création de comités de base parmi les travailleurs postaux au Canada, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Australie. Le travail du comité de base aux États-Unis s'est développé en étroite concertation avec ces comités, notamment par la participation de délégués internationaux aux réunions du comité pour expliquer le caractère mondial de l'attaque contre les emplois postaux.

La guerre à Gaza et la classe ouvrière

En octobre, Israël a lancé sa guerre génocidaire à Gaza, ce qui a rapidement provoqué une explosion de protestations dans le monde entier.

La réponse de la bureaucratie aux manifestations massives contre la guerre a été une hostilité totale. Cela a une cause plus profonde dans la fonction sociale de la bureaucratie elle-même. Comme Trotsky l'a observé dans le Programme de transition en 1938 :

Dans les périodes de luttes de classes aiguës, les appareils dirigeants des syndicats s’efforcent de se rendre maîtres du mouvement des masses pour le neutraliser. [...] En temps de guerre ou de révolution, quand la situation de la bourgeoisie devient particulièrement difficile, les dirigeants syndicaux deviennent ordinairement des ministres bourgeois.

Le rapport du camarade Jerry White traitera plus en profondeur de la réponse de la bureaucratie au mouvement anti-guerre et de sa fonction politique en général. Je me contenterai ici de dire que, d'une manière générale, la bureaucratie a cherché à étouffer l'opposition avec des résolutions inefficaces de «cessez-le-feu», combinées à un soutien sans faille à «Joe le génocidaire». La déclaration de Biden le mois dernier, selon laquelle l'AFL-CIO était son «OTAN nationale», était un résumé exact et précis de la véritable relation entre la bureaucratie et l'impérialisme américain.

Au printemps, les répressions policières massives sur les campus, menées avec un soutien bipartisan, ont provoqué des manifestations encore plus importantes. Le parti a été confronté à la question de savoir comment réagir. Il ne suffisait pas de commenter les événements de l'extérieur. La question cruciale était la suivante : quelle doit être la réponse de la classe ouvrière à l'éruption des manifestations sur les campus ?

La déclaration du 1er mai de l'Alliance ouvrière internationale des comités de base a constitué une avancée importante. Elle appelait les travailleurs à organiser :

des manifestations, des réunions de masse et des délégations de travailleurs aux manifestations sur les campus, pour aboutir à une grève nationale et internationale visant à mettre fin à l'assaut contre le droit fondamental à la liberté d'expression.

La classe ouvrière, expliquait la déclaration, est la force sociale décisive sur laquelle doit reposer la lutte contre la guerre. La déclaration ajoutait :

Les étudiants ont pris une position courageuse. Mais leurs actions anticipent un mouvement encore plus puissant dans la classe ouvrière. Les questions qu'ils ont soulevées ne peuvent être résolues sur les campus, mais plutôt dans les usines et les entrepôts, sur les chemins de fer et les docks.

La mobilisation de la classe ouvrière contre la guerre exige une rébellion contre la bureaucratie syndicale qui est pro-guerre. «Les travailleurs ne doivent pas se contenter de résolutions de cessez-le-feu malhonnêtes adoptées par des bureaucrates syndicaux qui soutiennent “Joe le génocidaire” Biden et d'autres politiciens favorables à la guerre», indique la déclaration. Elle appelle les travailleurs à «prendre le contrôle des réunions syndicales, ou à organiser leurs propres réunions, pour exiger des syndicats qu'ils sanctionnent les grèves». S'ils refusent de le faire, les bureaucrates doivent être mis à la porte et remplacés par des dirigeants issus de l'atelier.

La déclaration de l'IWA-RFC anticipait la suite des événements. Quelques jours plus tard seulement, la grève des universitaires de l'Université de Californie a éclaté. Dès le début, elle a pris la forme d'une rébellion contre la bureaucratie de l'United Auto Workers (UAW), qui a consacré tous ses efforts à limiter et à saboter la lutte.

Dans un premier temps, l'UAW a tenté de limiter la grève à un campus sur les dix que compte le système de l'Université de Californie. Mais il a été contraint d'appeler cinq autres campus à la grève, dans des conditions où les travailleurs eux-mêmes indiquaient clairement qu'ils étaient prêts à débrayer avec ou sans l'approbation de l'UAW.

La grève a marqué l'entrée d'une partie importante de la classe ouvrière dans la lutte contre la guerre. Ces travailleurs universitaires, et en particulier les étudiants diplômés, constituent une couche prolétarisée de la main-d'œuvre des campus qui reçoit des salaires de misère et qui peine à payer un loyer.

Dès le début, le parti a encouragé et salué cette rébellion. Il s'est battu pour que la grève s'étende à la classe ouvrière industrielle, en particulier dans les usines automobiles, où l'UAW dissimulait délibérément l'existence de la grève.

L'UAW, quant à lui, a tenté de contrer notre lutte pour un mouvement de classe contre la guerre en promouvant la politique de désinvestissement. Ils ont formulé de soi-disant «demandes» axées exclusivement sur les administrations des campus, tout en minimisant et en ignorant le rôle de la Maison-Blanche et même des démocrates dans les mairies et les États.

Comme l'a expliqué le camarade Joe lors d'une réunion en ligne organisée par le parti :

La question du désinvestissement elle-même est, en fait, acceptable pour le Parti démocrate et l'appareil syndical, parce qu'elle ne soulève pas les questions fondamentales.

La bourgeoisie a finalement répondu à la perte de contrôle de l'UAW par une injonction contre la grève. La bureaucratie s’est réjouie, y voyant une excuse pour mettre fin à la grève.

Tirant les conclusions de cette lutte, nous avons écrit :

La principale leçon de la grève de l'Université de Californie est que la classe ouvrière doit devenir la force principale contre la guerre [...] Mais l'importance de la classe ouvrière pour la lutte contre la guerre ne réside pas seulement dans le fait qu'elle augmenterait la puissance du mouvement en lui donnant la capacité d'arrêter la production. Au contraire, la lutte de la classe ouvrière contre le capitalisme est au centre même de la lutte contre la guerre parce que la guerre elle-même est un produit de la crise et de l'effondrement du capitalisme.

La crise de la démocratie

Le camarade Jerry parlera plus en détail de la relation entre l'intervention du parti dans la classe ouvrière et la lutte pour la défense des droits démocratiques. Mais l'orientation fondamentale que nous avons soulignée, en particulier lors du rassemblement du 24 juillet et dans notre campagne électorale, est que le seul moyen de lutter contre la tendance à la dictature, au fascisme et à la guerre mondiale est de mobiliser la classe ouvrière dans une lutte contre le capitalisme.

Il y a de nombreuses raisons de croire qu'il y aura une réponse puissante à mesure que la crise politique s’intensifiera. Bien sûr, cela comprend la réponse aux campagnes du parti dans la classe ouvrière, de l'influence grandissante des comités de base et de la radicalisation politique qui s’accélère parmi les travailleurs et les jeunes.

Mais ce potentiel peut également être vu dans la crise et le désarroi de la bourgeoisie elle-même. Biden veut imiter l'alliance avec la bureaucratie pendant la Seconde Guerre mondiale, connue sous le nom de propagande d'«Arsenal de la démocratie», mais le problème auquel il est confronté est que la relation des bureaucrates d'aujourd'hui avec les travailleurs est totalement différente de celle des années 1940. Ils sont détestés par les travailleurs qu'ils prétendent représenter et en sont totalement isolés.

Il en va de même pour les démocrates. Il n'y a aucun signe d'un programme de New Deal aujourd'hui. Au contraire, l'ensemble de la classe dirigeante est unanime pour soutenir de vastes mesures d'austérité, allant jusqu'à déclencher une récession manufacturière, en même temps qu'elle tente de préparer le front intérieur à la guerre.

Ce n'est pas une raison pour se reposer sur ses lauriers. Les contradictions mondiales et nationales de l'impérialisme américain constituent la base objective du tournant croissant vers la dictature. Trump l'exprime le plus ouvertement, mais ce développement traverse tout le spectre politique officiel.

Cependant, ces mêmes contradictions constituent également la base objective de la révolution socialiste. Comme l'a fait remarquer Trotsky :

Les lois de l'histoire sont plus fortes que l'appareil bureaucratique [...] Avec le temps, leurs efforts désespérés pour retenir la roue de l'histoire démontreront plus clairement aux masses que la crise de la direction du prolétariat, devenue la crise de la culture de l'humanité, ne peut être résolue que par la Quatrième Internationale.

Les contradictions du capitalisme américain sont devenues si extrêmes qu'elles ne peuvent être masquées par des manœuvres mesquines ou des phrases malhonnêtes. Les forces qui ont si longtemps bloqué l'émergence d'un mouvement révolutionnaire dans la classe ouvrière sont de plus en plus discréditées, comme l'avait prédit Trotsky.

En avril, Labor Notes a tenu sa conférence biennale à Chicago. En apparence, cette conférence semblait se dérouler dans une position de force incontestable. Après tout, Labor Notes est essentiellement dans la direction de nombreux grands syndicats par le biais de l’appui qu’il donne aux factions dites «réformistes», y compris l'UAW et les Teamsters.

Au lieu de cela, ce fut un fiasco dès le début. La police a arrêté des manifestants anti-génocide pendant le discours d'ouverture du maire de Chicago, Brandon Johnson, un ancien responsable du syndicat des enseignants qui a joué un rôle central dans la répression des manifestations. Le président des Teamsters, Sean O'Brien, principal intervenant de l'événement de 2022, était présent cette année mais n'a pas pris la parole, en raison de ses liens de plus en plus ouverts avec Trump et les fascistes. Il a littéralement fui la scène lorsqu'un jeune participant a tenté de poser une question critique sur les licenciements chez UPS.

Le président Joe Biden donne son appui à Shawn Fain, président du syndicat United Auto Workers, lors de la convention politique de l’UAW à Washington, le 24 janvier 2024.

Pendant que Labor Notes essayait de se présenter comme une organisation dévouée à l'opposition au génocide, la conférence s'est terminée par un discours du président de l'UAW, Shawn Fain, qui était un soutien inconditionnel à la Troisième Guerre mondiale. Portant une chemise avec l’image d'un bombardier, Fain a appelé les travailleurs à faire les mêmes sacrifices que ceux qu'ils ont faits pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a terminé, en en disant plus qu'il n'en avait l'intention, en brandissant son exemplaire personnel du Troublemakers Handbook, qui est en quelque sorte la bible de Labor Notes, et a reconnu l'influence majeure de l'organisation sur l'ensemble des politiques de l'UAW.

La trajectoire d'O'Brien et des Teamsters mérite une attention particulière parce que leur participation à la Convention nationale républicaine a plongé la pseudo-gauche dans une crise. Il s'agit de l'homme qu'ils présentent comme l'un des plus grands réformateurs de l'histoire du mouvement ouvrier. Il s'avère maintenant qu'ils ont passé des années à bâtir la crédibilité d'un fasciste pur et dur.

Comme ils le font inévitablement, ils ont cherché à rejeter la responsabilité sur les travailleurs. Un commentaire récent dans Jacobin a tenté d'expliquer le discours d'O'Brien comme une tentative de séduire les travailleurs de droite qui soutiennent Trump. En fait, dans la mesure où l'aile droite est capable de gagner le soutien de travailleurs, c'est entièrement la responsabilité de ces forces qui consacrent toute leur énergie à étouffer l'indépendance politique de la classe ouvrière.

Mais leur principale préoccupation est qu’O'Brien a prononcé son discours à la convention républicaine et non à la convention démocrate. Ils ont totalement soutenu ses diatribes hitlériennes contre les élites internationales sans racines et sans loyauté envers les États-Unis, en les présentant même comme anticapitalistes.

Une certaine logique est en train de se mettre en place. Nous avons observé depuis longtemps que le nationalisme et l'anticommunisme de la bureaucratie, sa dépendance à l'égard de l'État et sa peur de la classe ouvrière en font une base naturelle de soutien au fascisme.

Dans «Les syndicats à l'époque de la décadence impérialiste», Trotsky écrit sur le besoin organique des bureaucrates «de s'adapter à l'État capitaliste et de lutter pour sa coopération [...]

Les bureaucrates syndicaux font de leur mieux, en paroles et en actes, pour démontrer à l'État «démocratique» à quel point ils sont fiables et indispensables en temps de paix et surtout en temps de guerre. En transformant les syndicats en organes de l'État, le fascisme n'invente rien de nouveau ; il ne fait que pousser à leurs ultimes conséquences les tendances inhérentes à l'impérialisme.

Conclusions

Quelles conclusions pouvons-nous tirer du travail accompli par le parti au cours des deux dernières années ?

Premièrement, les conditions sociales objectives, ainsi que l’immense crise politique et sociale qui frappe les États-Unis et le monde, poussent la classe ouvrière à la lutte sociale.

Deuxièmement, le parti, par son intervention consciente, qui exprime les possibilités progressistes inhérentes à la situation, a émergé en tant que force politique. Dans le même temps, nos ennemis politiques, bien qu'ils ne soient certainement pas vaincus, sont compromis, à la fois par leurs propres actions et par notre propre lutte pour un programme véritablement indépendant.

Troisièmement, les luttes de la classe ouvrière, qui ont d'abord éclaté dans de nombreux cas pour des questions de conditions de travail et de conventions collectives, se radicalisent et s'entrecroisent de plus en plus avec la crise politique. Grâce au travail du parti, la classe ouvrière peut et doit devenir une force politique consciente et révolutionnaire.

À quoi peut-on s'attendre dans la période qui s'ouvre devant nous ? D'ici aux élections de novembre, des luttes industrielles majeures se dérouleront. Il y a les conventions collectives des travailleurs de Boeing et des dockers de la côte est qui expirent le mois prochain, ainsi que les coupes massives dans les districts scolaires de Chicago, de Detroit et de tout le pays.

Nous ne savons pas exactement ce qui va se passer, mais nous devons nous attendre à des chocs immenses, y compris le déclenchement de nouvelles guerres et une éventuelle crise financière, qui nécessiteront l'intervention de la classe ouvrière avec son propre programme.

(Article paru en anglais le 29 août 2024)

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